Dans le prolongement de nos dossiers sur l’ouverture des LGV SEA et BPL (voir Rail Passion nos 239 et 241), nous revenons ici sur l’évolution du parc de TGV desservant la façade atlantique. Chasse gardée au départ des TGV A, aujourd’hui touchés par les radiations, cette desserte s’est, en effet, ouverte par la suite à d’autres séries de TGV, notamment à deux niveaux.
Deuxième ligne à grande vitesse du territoire, la LGV Atlantique avait besoin de matériel neuf pour réaliser la desserte des axes Ouest et Sud-Ouest. Alors que les rames TGV Sud-Est, pionnières en la matière, sont complètement innovantes, on va pouvoir bénéficier du retour d’expérience pour imaginer les rames Atlantique. Et aussi des évolutions technologiques. Lorsque la SNCF lance l’appel d’offres en septembre 1984, 97 rames TGV SE sont déjà opérationnelles et la LGV SE est ouverte depuis trois ans. Alsthom reçoit une commande de 95 rames dont 22 en option en novembre 1985.
Avec retard, la rame 301 est livrée en mars 1988, présentée en mai et en essais dès juillet d’abord sur la LGV Sud-Est. Si la deuxième rame arrive rapidement en octobre, il faut attendre mai 1989 pour la série. C’est cependant la rame 308, encore non réceptionnée, qui roule la première sur la LGV A en mars 1989. À l’ouverture de la branche Ouest en septembre 1989, 22 rames sont à l’effectif. Les longues mises au point du logiciel du réseau Tornad vont perturber les premiers mois d’exploitation (jusqu’en juin 1990), avec l’impossibilité de la mise en UM. Les bugs informatiques seront résolus et en septembre 1990, à l’ouverture de la branche Sud-Ouest, 65 rames sont opérationnelles. Entre-temps, la rame 325 va s’illustrer au printemps 1990 avec des montées en vitesse hors normes. Et comme sur la LGV SE, un record mondial de vitesse sur rails sera battu le 18 mai avec 515,3 km/h, reléguant loin derrière le record de la rame TGV SE 16 du 26 février 1981 à 380 km/h.
La desserte Atlantique est un succès. Très vite, l’option sur les 22 rames est levée et une commande complémentaire de 10 rames est même passée. Au total, le parc Atlantique comportera donc 105 rames ; la dernière, la 405, est livrée en mars 1992. Jusqu’en 1996, elles règnent en maîtres sur les liaisons à grande vitesse de la façade atlantique, étoffant régulièrement leurs destinations : Arcachon et Quimper en 1992, La Rochelle en 1993. Elles sont les premières à circuler en service commercial à 300 km/h. Au sud de Tours, là où les grands trains TEE et autres pouvaient circuler à 200 km/h, les performances du TGV et quelques aménagements d’infrastructures permettent une vitesse de 220 km/h sous caténaire 1,5 kV. Elles vont même assurer les premiers TGV Province – Province : en septembre 1991 sur Rennes/Nantes – Lyon avec une UM de TGV A et un rebroussement à Valenton, l’été 1993 pour Tours – Lyon ou à l’hiver 1992 sur des TGV des Neiges entre Quimper et Brest vers Saint-Gervais, Bourg-Saint-Maurice et Modane. L’emprunt de la LGV SE, de la partie sud de l’interconnexion en Île-de-France et du contournement de Lyon jusqu’à Saint-Quentin-Fallavier ne leur pose pas de problème, car ces tronçons sont équipés de la TVM 300 comme la LGV A et les rames TGV A.
Par contre, les LGV suivantes sont équipées de la TVM 430, version numérique perfectionnée de la TVM 300, illisible par des rames équipées de la TVM 300. Pour cette raison, une majorité de rames SE sont modifiées. Et pour le TGV A, les rames 386 à 405 reçoivent aussi la TVM 430. Cela permet en juin 1996 de créer des TGV depuis Lille vers Bordeaux, Toulouse, Hendaye, Quimper, Rennes et Nantes. Les TGV A sont épaulés par des rames TGV Réseau bicourant, voire tricourant sur des trains de Bruxelles. En septembre 1997, les TGV A descendent jusqu’à Avignon par la rive droite du Rhône. Il en sera ainsi jusqu’en juin 2001, date de l’ouverture de la LGV Méditerranée. L’année 2000 marque l’entrée en lice de parcours TGV conventionnés par des collectivités. Tout d’abord, celui entre Paris et Saumur via Tours qui subsistera jusqu’en décembre 2008 avec son remplacement par une nouvelle trame TER. Ensuite, le célèbre TGV Vendée de mai 2000 à fin 2004. Faute d’électrification, le TGV arrive quand même aux Sables-d’Olonne en étant tracté par une locomotive diesel CC 72000 depuis Nantes, une première commerciale unique dans les annales y compris jusqu’à aujourd’hui. Huit rames TGV (372 à 379) et trois locomotives (72061 à 63) sont modifiées pour cet attelage hors normes à l’usine Alstom de Belfort pour permettre les deux AR quotidiens. Les CC 72000 perdent leur tamponnement et reçoivent un attelage automatique à chaque extrémité, équipé d’un coupleur automatique 1 500 V pour alimenter la climatisation et les auxiliaires du TGV. Les TGV adaptent leur attelage avec ce coupleur. Aucune commande n’est transférée à la locomotive : un conducteur reste présent dans le TGV pour la climatisation, l’éclairage, la sonorisation et l’informatique. Le TGV reviendra aux Sables en décembre 2008, mais en toute autonomie cette fois, grâce à la caténaire monophasée déroulée depuis Nantes.