Avec la fermeture du réseau de Versailles, une page se tourne dans les transports d’Île-de-France. Après la suppression du réseau parisien en 1937 et 1938, les derniers tramways disparaissent pour près de 35 ans.
On associe souvent l’Exposition universelle de 1937 à la disparition des tramways parisiens. En prévision de la manifestation, le mouvement de suppression des tramways de la STCRP (Société des transports en commun de la région parisienne) s’accélère, seule la ligne 112 en banlieue subsistant encore une année avant de disparaître à son tour en 1938. Dans la foulée, l’infrastructure est détruite pour rendre irrémédiable le retrait du tramway. La ligne électrique est démontée rapidement, jugée disgracieuse y compris dans les quartiers périphériques sans attrait particulier. Les rails sont par endroits arrachés ou simplement couverts de goudron pour éviter les accidents, notamment avec les vélos. Quand en septembre 1939 Paris se retrouve privé de l’essentiel de ses autobus partis pour le front, le retour au tramway ne sera jamais évoqué, jugé aussi passéiste qu’irréaliste. Tout a été mis en œuvre pour que la décision de suppression soit irrévocable. Quand on cherchera comment remplacer les autobus, on se tournera vers un nouveau mode qui a le vent en poupe, le trolleybus. En janvier 1943, comme déjà évoqué dans le n° 40 d’Historail, la CMP (Compagnie du métro de Paris) qui a repris le réseau de surface en 1942, ouvre une première ligne 63 au départ de la porte de Champerret dans l’ouest parisien. En septembre, c’est au tour du 64 d’être mis en service, en tronc commun avec le 63 sur une part du tracé. Ces deux lignes pourtant viennent remplacer un autobus qui lui-même s’était substitué à un tramway sur le même itinéraire en 1936. Pouvait-on imaginer remettre en état l’infrastructure du tramway dont tous les rails, surtout en banlieue, n’avaient pas été arrachés ? Poser cette question aux exploitants de 1943 aurait sans doute paru saugrenu, un peu comme si on proposait aujourd’hui de remplacer un TGV par un train à vapeur. Pour le tramway en effet, la messe est dite depuis longtemps. La plupart des réseaux durant le conflit sont en sursis en attendant la livraison de trolleybus ou d’autobus jugés de toute façon plus performants. Quasiment partout le rail recule au profit du pneu. Pourtant, s’il a disparu à la STCRP, le tramway est encore présent aux environs de Paris sur des lignes gérées par d’autres exploitants. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on le trouve encore sur des petites lignes ou des réseaux comme à Fontainebleau, Versailles mais aussi Villiers-le-Bel. Il s’y maintiendra une vingtaine d’années jusqu’à l’aube des Trente Glorieuses où le pétrole bon marché coule à flots favorisant l’exploitation d’autobus diesels. Ces réseaux souvent n’ont survécu que de façon transitoire, en attendant d’être remplacés par un mode jugé plus performant.
Du tramway faute de mieux
Pour bien comprendre la place qu’a longtemps occupée le tramway sur les réseaux français, il est nécessaire de se replacer dans le contexte de cette période où le besoin de transport accompagne la croissance industrielle et économique du pays. Jusqu’à l’apparition de l’autobus au début du XXe siècle et ses premiers modèles véritablement performants dans les années 1930, le rail reste le seul mode de déplacement urbain et suburbain efficace et capacitaire. Le chemin de fer est souvent attendu de longue date dans les villages pour assurer des communications auparavant du ressort de la traction animale. Une fois construites les grandes lignes du réseau de l’Intérêt général, il est apparu que le rail ne passerait pas dans tous les villages de France. La loi de 1880 qui autorise la constitution de réseaux d’Intérêt local permet dès lors d’affiner la desserte du territoire en établissant des lignes construites à moindre coût. Là où le grand chemin de fer ne pourra jamais aller, on s’engagera vers une desserte plus légère souvent à voie métrique en accotement des routes départementales. De nombreuses lignes apparaissent, généralement en correspondance avec les gares des grands réseaux. La région parisienne ne fait pas exception, même si la situation y est particulière.