Depuis le 28 avril, la ligne D du tramway de Strasbourg dessert la ville allemande de Kehl de l’autre côté du Rhin. Une première pour un tram hexagonal, confronté de ce fait à des questions inédites.
Depuis la mise en service de la ligne A du tramway de Strasbourg en 1994 entre Hautepierre et Baggersee, le réseau n’a cessé de se développer. Il compte aujourd’hui six lignes auxquelles s’ajoute une ligne G de BHNS (bus à haut niveau de service). Le réseau de la CTS (Compagnie des transports strasbourgeois) exploite ainsi 65,4 km d’axes lourds fréquentés par 317 000 voyageurs par jour, plaçant le réseau parmi les plus importants du pays. Le tramway a ainsi permis d’accompagner le développement d’une agglomération dynamique contrainte à l’est par le Rhin, qui constitue une frontière naturelle avec l’Allemagne. De l’autre côté du fleuve, la ville de Kehl appartient pourtant de fait à la métropole strasbourgeoise tant les échanges sont nombreux entre les populations. Longtemps le pont de l’Europe qui relie les deux villes a vu passer les Français faisant le plein d’essence en Allemagne, tandis que dans l’autre sens leurs voisins favorisés par un deutsche mark fort venaient faire leurs courses dans les supermarchés français.
Historiquement, le réseau de tramways, fondé il y a 140 ans à l’époque de l’annexion allemande, s’étendait des deux côtés du Rhin et la ligne 1 a continué après le retour à la France à desservir la ville de Kehl. La liaison est finalement supprimée avant d’être reprise par le bus 21 après la disparition des tramways en 1960. Une ligne d’autobus particulière soumise à un contrôle de douane au passage de la frontière. Alors que l’agglomération de Strasbourg constitue désormais un « eurodistrict » regroupant un ensemble de villes des deux côtés du Rhin, la frontière au sein de l’espace Schengen s’est effacée. Comme l’explique Robert Herrmann, président de l’Eurométropole de Strasbourg, prolonger le tram a été l’occasion de marquer l’ambition européenne de la capitale alsacienne. Des équipements collectifs notamment sportifs, des services et des commerces se répartissent sur les deux pays. Les Français y trouvent des emplois, profitant également d’un parc immobilier qui reste encore accessible. Des lycéens français comme allemands fréquentent les établissements des deux pays. Il est donc apparu assez logique de renforcer cette desserte transfrontalière par une extension du tramway jusqu’au coeur de Kehl. La ligne D, qui dessert notamment les stations Gare-Centrale, Homme-de-Fer (le coeur du réseau) ou encore Étoile-Bourse, devant le centre administratif, était avec son terminus Aristide-Briand la plus proche du fleuve. Son extension vers Kehl avait également l’avantage de desservir le secteur du port du Rhin, appelé à se développer dans les prochaines années. Mis en chantier en 2014, le prolongement a été réalisé en deux phases, vers Kehl-Bahnhof en 2017 puis Kehl-Rathaus à l’automne 2018. Le 28 avril, c’est donc une première section de 2,7 km vers la gare de Kehl qui a été ouverte au public.
Depuis Aristide-Briand, la ligne traverse le quartier Citadelle, où une station est prévue, seuls les