Les transports de Strasbourg fêtent leurs 140 ans dans un réseau dynamique qui a contribué à réinventer le tramway moderne. Depuis avril 2017, la ligne D est la première transfrontalière de France avec un nouveau terminus dans la ville allemande de Kehl.
Peu d’entreprises de transports publics peuvent se vanter de fêter plus d’un siècle d’existence. La CTS, Compagnie des transports strasbourgeois fait partie de celles-là, en charge des déplacements dans l’agglomération depuis 1877. Un réseau né à l’origine dans les tourments de l’histoire franco-allemande.
La naissance de la IIIe République qui succède au Second Empire en 1871 s’accompagne bientôt d’une terrible défaite face à la Prusse. À l’issue du traité de Francfort, la France doit verser la somme astronomique de cinq milliards de francs or. Elle est également condamnée à perdre l’Alsace et une bonne part de la Lorraine tout en conservant Belfort. Strasbourg devient la capitale du nouveau Reichsland Elsaß-Lothringen. Cette annexion se fait dans la douleur et restera le point de discorde avec nos voisins d’outre-Rhin. Plutôt que de chercher la réconciliation, c’est la guerre qui se préparera activement de chaque côté de la frontière.
Les provinces perdues sont assimilées au nouvel empire allemand. L’idée est bien d’en faire des territoires d’exception destinés à bénéficier à plein des crédits et des progrès de leur nouvelle patrie. C’est dans ce contexte que Strasbourg se développe rapidement. La ville est une place forte, dotée de nombreux forts qui l’enserrent. Cette configuration a longtemps empêché toute extension hors les murs. Progressivement, le contexte change et la ville s’ouvre vers de nouveaux quartiers en construction. Conséquence directe, le besoin de transports s’accroît. Dès 1863, avant même l’annexion, une première compagnie d’omnibus a vu le jour entre la place Kléber et Wolfisheim. Depuis 1823, des services d’omnibus sont apparus à Nantes d’abord puis en 1828 à Paris. Plusieurs compagnies privées se sont livré une concurrence féroce jusqu’à ce que le préfet de la Seine, le baron Haussmann y mette de l’ordre en les regroupant en 1856 sous l’égide de la CGO, Compagnie générale des omnibus. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la plupart des grandes villes françaises se dotent de services similaires, généralement à destination des proches environs. Strasbourg est donc dans le mouvement général, même si cette première ligne aura finalement une existence éphémère. D’autres services la remplacent et la ville est bientôt dotée d’un petit réseau. Mais le progrès dans ces années-là s’appelle tramway. Un ingénieur berlinois, Büsing, présente un projet de réseau en juin 1872. Aussi tentant soit-il, la municipalité n’y est pas très favorable, craignant avant tout une sévère concurrence avec les services d’omnibus. Le tramway est tout de même soumis à l’enquête publique et malgré certaines réserves sur son tracé, il est finalement adopté. Mais pour l’emporter, Büsing doit faire des concessions, contraint d’asseoir sa société sur des capitaux strasbourgeois. Un accord est finalement trouvé avec deux banques locales qui entrent au capital de l’entreprise et une demande de concession peut être présentée à la ville le 30 avril 1876.