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De Tokyo à Kyoto en Shinkansen

9 janvier 2013
- -
Par : Samuel Delziani

En 1922, Albert Londres vient suivre la visite officielle du maréchal Joffre à Tokyo et demande à être conduit au bout de la ville, mais comme il le découvre : « Tokyo n’avait pas de bout. Ce ne serait rien qu’elle n’eût pas de bout, mais elle n’a pas de centre. Qu’elle n’eût pas de centre, on s’en passerait ; mais elle n’a ni tête, ni jambes, ni foie, ni rate. Monstre pour Barnum, Tokyo n’est pas une capitale, c’est un rêve de fièvre chaude. Elle désorienterait la boussole elle-même. Dans sa rose des vents, on ne voit pas trente-deux parties, comme on devrait, mais trente-six chandelles. » Quatre-vingt-dix ans après, notre boussole personnelle de gaijin (étranger en japonais) reste désorientée. Rien ne prépare à la découverte de Tokyo. La modernité a définitivement pris ses quartiers dans cette mégalopole sans fin, sans fond. Ville verticale, chaque îlot recèle des secrets à tous les étages. Donc forcément, visiter Tokyo, c’est d’abord faire des choix.
Nous débuterons notre visite par Tsukiji, le plus grand marché de poissons du monde. Le lieu mérite qu’on se lève à l’aube afin de se confronter à l’imposant ballet des Fenwick, des clients et des vendeurs qui, en quelques heures, vont s’échanger des quantités astronomiques de produits de la mer. Lorsqu’on visite le hall géant, il faut esquiver les projections des poissons qu’on découpe, éviter les chariots qui filent dans les allées et mobiliser ses connaissances pour reconnaître les espèces mises en vente : on trouve ici plus de 450 sortes de poissons, coquillages et crustacés qui proviennent de toutes les mers de la planète. Il faut également essayer d’être discret, ne pas déranger les professionnels souvent exaspérés par les groupes de touristes bloquant les allées pour quelques photos. Le poisson n’est pas là pour prendre la pause, mais pour satisfaire l’appétit insatiable des Japonais pour tout ce qui vient de la mer. Avec un peu de chance, vous pourrez assister à une vente aux enchères. Plus de 56 millions de yens (572 000 euros) : voici la somme record a laquelle a été vendu un thon rouge de 269 kg (thunnus thynnus) en janvier dernier ! Après quelques heures passées dans le marché, c’est le moment de déguster des sushis, malgré l’heure matinale. Dans la rue Uogashi Yokocho qui part de l’entrée principale, vous trouverez de nombreux restaurants spécialisés dans le poisson cru. Installez-vous au comptoir et choisissez en observant le maître sushi à l’œuvre. Avec un peu de chance, il vous fera découvrir des saveurs inaccessibles chez nous. Ainsi, le cuisinier saisit une fine tranche de toro (la ventrèche), la partie la plus prisée du thon rouge, la saupoudre de fleur de sel et, équipé d’un petit chalumeau, il la grille rapidement sur les deux faces, le cœur restant cru, et en fait un sushi qu’il nous offre gracieusement. Un grand moment de bonheur gourmand.
Rassasié, c’est le moment de s’enfoncer dans le métro et filer vers le nord, vers Akihabara, un quartier surnommé « la ville électrique », à deux pas de la gare de Tokyo. C’est la capitale mondiale du shopping informatique, des nouvelles technologies, des gadgets hi-tech les plus superflus aux figurines de manga les plus essentielles : le quartier est le paradis du geek. Akiba, comme le surnomment les Tokyoïtes, est toujours noir de monde, on peine à se déplacer, heureusement d’immenses enseignes lumineuses agissent sur le visiteur, comme le phare sur le marin, et permettent de se repérer. Devant les magasins, des aboyeurs rivalisent de bagout et surtout de décibels pour attirer le chaland. Attention, au bout de quelques heures, tous les sons, toutes les lumières, toute cette foule donnent le vertige et bientôt on frôle la crise d’épilepsie.
Impossible de visiter tous les quartiers de la mégalopole, mais ils ont tous une identité propre et mériteraient tous que l’on s’y attarde. Pour éviter la cohue des Ginza, et ses enseignes de luxe, Shibuya, et son célèbre passage piéton, et autre Harajuku, le quartier où les adolescents se déguisent comme leur héros de manga préféré, il existe des quartiers plus secrets où il est bon de flâner. Notamment à Lidabashi, un de ces quartiers où Tokyo change d’échelle. Les immeubles dépassent rarement les quatre étages, les ruelles en pente et les petits bars en font une sorte de Montmartre d’Extrême-Orient. N’hésitez pas à passer les portes de ces établissements minuscules où le patron s’affaire pour servir les clients installés au comptoir. C’est l’occasion de s’immiscer dans la vie du quartier quand, après le travail, les habitués viennent discuter autour d’un verre. Ces petits restaurants, qui ne comptent souvent pas plus d’une demi-douzaine de couverts, sont les héritiers de ces restaurateurs ambulants qui tenaient le pavé avant que cette modernité radicale s’empare de la ville. Ici, vous vous perdrez probablement, et c’est tant mieux : c’est le meilleur moyen de découvrir cet endroit.
Asakusa, est un autre quartier où subsiste un Tokyo à « taille humaine ». Derrière Sensoji, l’imposant temple bouddhiste très visité le week-end, vous trouverez une rue commerçante, Nakamise, dont l’histoire remonte à plusieurs siècles, où vendeurs d’habits traditionnels, de souvenirs cohabitent avec de petites échoppes proposant toutes sortes de délices aux acheteurs affamés. L’heure pour nous de rejoindre la gare afin de partir vers la capitale du Kansai : Kyoto.
La gare de Tokyo est le cœur névralgique du maillage ferroviaire. Récemment rénovée, elle a été construite en 1914 sur le modèle de la gare centrale d’Amsterdam. Vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin avant le départ. Notamment cette spécialité des gares nippones, les ekiben, ces paniers-repas de cuisine régionale, constitués de produits frais et bon marché (voir encadré page précédente).
Aux heures de pointe, les Shinkansen entre Tokyo et Kyoto s’offrent des fréquences de RER. Pendant cette période, un train quitte en effet les quais toutes les quinze minutes. C’est à bord du Shinkansen N 700, le tout dernier modèle circulant sur le réseau de JR West, que nous montons. L’immensité de la capitale se comprend bien mieux quand on essaye de lui échapper en prenant le train. On attend impatient les premiers faubourgs, le moindre espace dans le tissu urbain. On attend longtemps. Puis les premiers champs apparaissent, les premières collines couvertes de forêt adoucissent le paysage, mais dès que le relief le permet chaque parcelle de terrain est cultivée ou construite. Grande vitesse oblige, le trajet est court : 2 heures 40. Juste le temps d’interpeller la vendeuse ambulante qui passe à travers les voitures en poussant un chariot chargé de plateaux-repas, de sandwichs, de thé vert et de bières Asahi ou Kirin. Pour les fumeurs, les trains les plus récents mettent à disposition des espaces où deux personnes peuvent tenir, avec des aérations qui, bien que silencieuses, se révèlent très efficaces. Les trains les plus anciens proposent toujours des voitures où le tabac reste toléré.
En gare de Kyoto, on est accueilli dès la sortie par une sculpture d’Astro Boy, célèbre personnage d’un manga des années 50. Le bâtiment, inauguré en 1997, est immense et abrite non seulement une gare, mais également un centre commercial, un hôtel et de nombreux restaurants. Cette modernité détonne avec la ville elle-même, un sanctuaire de la culture japonaise traditionnelle. Une ville où, aujourd’hui encore, il est possible d’entendre, dans le quartier de Gion, le cliquetis des socques d’une geisha (appelée geiko à Kyoto) pressée, c’est la petite musique d’un Japon immuable, d’une culture millénaire indifférente à la mondialisation.
Kyoto fut la capitale de l’empire japonais de 794 à 1868, année où l’empereur Mutsuhito a déclaré l’ouverture de l’ère Meiji (l’ère des Lumières) et qui marque la fin de l’isolement géographique, politique et culturel du pays. De ce passé glorieux, Kyoto a gardé un héritage dense et les milliers de temples bouddhistes, zen et ésotériques, et de sanctuaires shintoïstes (religion polythéiste qui n’existe que sur l’archipel) le déclinent en autant de styles architecturaux spécifiques.
Les jardins sont une expression essentielle de la culture japonaise. À Kyoto, vous en verrez parmi les plus célèbres de tout le Japon. Autour des temples, des tombeaux shintoïstes, bref, autour d’un grand nombre de monuments historiques, ces jardins ont la plupart du temps une symbolique forte. Parmi, les plus étonnants pour le visiteur étranger, les karensansui, sont des « jardins secs » de graviers, de mousses, de sable et de rochers que l’on trouve souvent à proximité des temples zen. Celui de Ryoan-ji, un monastère zen du nord-ouest de la ville, est probablement le plus connu.
Afin de pénétrer, un peu l’âme de cette ville, une visite au marché couvert de Nishiki s’impose. Vous y trouverez les produits gastronomiques et l’artisanat qui font la réputation de la ville dans tout le pays. Des spécialistes du thé sauront vous expliquer toute la finesse et la complexité d’un breuvage toujours très populaire (essayez le genmaisha, un thé vert parfumé aux grains de riz grillés). Plusieurs échoppes vendent des sélections impressionnantes de tsukemono, ces légumes marinés salés qui sont de presque tous les repas japonais. Il est possible de tous les goûter avant d’acheter et les clients se serrent autour des bols, avancent doucement comme dans une procession, saisissant ici un morceau de concombre, là un morceau d’osinko, échangeant avec leurs condisciples en gourmandise des soupirs de bonheur.
Aujourd’hui, de nombreux sites de la ville sont entrés au Patrimoine mondial de l’Unesco, c’est notamment le cas du château Nijo-jo et de seize temples comme le Kiyomizu-dera ou le fameux Kinkaku-ji, le « pavillon d’or ». Ce temple est d’ailleurs l’un des plus visités (et photographiés) du Japon. Il s’élève d’un étang, cerné d’un magnifique jardin, et lorsqu’au coucher du soleil il se dédouble dans le plan d’eau, l’émotion est immédiate.
Visiter tous les temples, tous les jardins, tous les châteaux nécessiterait probablement plusieurs mois, mais déjà, nous devons rejoindre la gare et remonter à bord du Shikansen. Alors que la nuit prend possession de Kyoto, le train démarre et le regard se perd dans les ombres de la ville qui s’effacent au fur et à mesure que le Shinkansen accélère. Le voyage touche maintenant à sa fin. Le trajet de retour offre l’occasion de faire le point. Le charme du Japon réside aussi dans la complexité de sa culture et l’impossibilité pour le gaijin d’en comprendre tous les codes, toutes les subtilités. Et c’est tant mieux, ça vous oblige à y revenir. Pris par le sentiment de n’avoir effleuré que la surface de l’âme japonaise, ce haïku du grand poète Bashô, rassure :

Devant l’éclair
 – sublime est celui
qui ne sait rien !

Samuel Delziani

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