Au nord-est : de Washington DC à New York et Boston (NEC)
Le corridor nord-est (Northeast Corridor, ou NEC), long de 735 km, relie Boston, New York, Philadelphie, Baltimore et Washington DC. Il est depuis décembre 2000 parcouru par l’Acela Express, un train pendulaire dérivé du TGV construit par Bombardier et GEC-Alsthom. Cette ligne classique très encombrée est la seule sur laquelle les Américains goûtent à la grande vitesse. Une grande vitesse très relative, puisqu’elle ne dépasse pas le 130 km/h de moyenne entre New York et Washington (un voyage de 360 km parcouru en 2 heures 50)… Et ce n’est que sur 29 km – en allant vers Boston – qu’il atteint sa vitesse maximale de 240 km/h !
Ce corridor va recevoir 112 millions de dollars, en particulier pour la reconstruction d’un vieux tunnel à Baltimore. La compagnie ferroviaire Amtrak, qui exploite l’Acela Express, avait déjà bénéficié d’une (petite) partie du plan de relance de 2009 : elle va pouvoir investir 706 millions de dollars pour rénover une signalisation obsolète et renforcer la caténaire. Cela devrait permettre de gagner un quart d’heure vers Washington. Mais, d’après ses calculs, il faudrait mettre plus de 10 milliards au pot pour relier New York à Washington en 2 heures 15 et à Boston en 3 heures… Une commission va se pencher sur la question au Congrès.
En Californie et au Nevada
C’est le projet le plus spectaculaire, une ligne nouvelle qui fait rêver les industriels, français, allemands ou japonais. Tandis que l’administration républicaine des années Bush semblait bien peu pressée de développer le rail, les Californiens, avec le soutien de leur pourtant républicain gouverneur Arnold Schwarzenegger, rêvaient de TGV. Fin 2008, ils ont même autorisé (à 52,1 %) leur gouvernement à emprunter 9 milliards de dollars pour lancer une première phase de 750 km de long, qui devrait notamment permettre de relier vers 2020 San Francisco à Los Angeles en 2 heures 38.
Le résultat n’était pas acquis d’avance, car les finances californiennes sont déjà au plus mal. Le gouvernement local compte financer le projet dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) : l’Etat de Californie apporterait grosso modo un tiers du total, Washington un autre tiers et la partie privée le solde. Avant même le lancement de l’appel d’offres, la California High-Speed Rail Authority (HSRA, autorité californienne de la grande vitesse), l’agence publique chargée du dossier, se heurte à de fortes oppositions locales au fur et à mesure que s’affine le tracé. Et ce alors que son directeur Mehdi Morshed vient d’annoncer son départ à la retraite…
La première phase, de San Francisco à l’agglomération de Los Angeles, est estimée à au moins 31 milliards de dollars. Barack Obama vient de lui attribuer 2,25 milliards (sur les 4,7 milliards que réclamait la HSRA). Avec les 9 milliards que les électeurs californiens ont dégagés, le projet dispose donc pour l’instant de 11,25 milliards de dollars. C’est assez pour lancer les travaux dès l’an prochain, selon ses concepteurs. A terme, le TGV californien doit relier Sacramento au nord à San Diego au sud, soit 1 300 km qui coûteraient environ 46 milliards de dollars. En attendant, l’amélioration des lignes classiques a elle aussi reçu des subventions de Washington.
Le TGV californien s’est récemment trouvé un petit frère… qui pourrait bien être la première ligne nouvelle américaine : DesertXpress. Il s’agit d’une ligne à relativement grande vitesse (240 km/h), longue de 300 km, qui serait mise en service dès 2014 entre Victorville, une bourgade de l’intérieur californien située à quelques dizaines de miles de Los Angeles, et Las Vegas, au Nevada. Pourquoi Victorville ? Un peu faute de mieux, parce que pénétrer dans l’agglomération angeline coûterait beaucoup trop cher… « Pour la première phase, il est essentiel que le projet puisse servir le marché de la Californie du Sud et soit finançable sans dollars publics », explique la société privée qui veut lancer le projet. Le choix d’un terminus à Victorville limiterait donc la facture à 4 milliards de dollars ; les voyageurs viendraient prendre le train en voiture. Cette situation ne serait sans doute que provisoire. Car le secrétaire aux Transports Ray LaHood a annoncé en juillet l’ajout de la branche de Las Vegas dans son schéma de lignes grande vitesse. Un barreau long de 80 km devrait relier Victorville à la future ligne nouvelle californienne, permettant de relier directement Los Angeles (et aussi San Francisco) à Las Vegas. Avec l’amorce d’un vrai réseau. Il serait logiquement subventionné par les pouvoirs publics, mais ne figure pas dans les priorités de l’administration Obama annoncées le 28 janvier.
En Floride
Approuvé par référendum en 2000 et enterré quatre ans plus tard par un second vote initié par le gouverneur Jeb Bush (le frère de George W.), adversaire déclaré des chemins de fer, le premier tronçon du TGV de Floride aurait dû rouler dès 2009, sur 135 km, entre les agglomérations d’Orlando et de Tampa. Le matériel roulant avait même été choisi : le JetTrain de Bombardier, une sorte de turbotrain à grande vitesse capable d’atteindre les 240 km/h, et resté au stade expérimental.
Le programme fédéral de construction de lignes à grande vitesse de Barack Obama a permis la résurrection du projet floridien : l’Etat veut d’autant plus son TGV qu’il a acquis la quasi-totalité des emprises, au milieu de l’autoroute Interstate 4. La Floride avait demandé 2,6 milliards de dollars à Washington (sur les 3,5 milliards que coûterait le projet) ; elle n’en a obtenu que 1,25 milliard. Elle pense néanmoins bénéficier de fonds supplémentaires à la prochaine distribution. L’objectif est d’entamer les travaux dès 2011, pour une mise en service de la première phase fin 2014 ou en 2015. Les trains rouleraient jusqu’à 270 km/h. Il faudrait alors un peu moins d’une heure pour aller du centre de Tampa à l’aéroport d’Orlando, en passant par le parc Disney World, situé à la périphérie de cette ville du centre de l’Etat. Disney a d’ailleurs apporté un soutien remarqué au projet, allant jusqu’à annoncer qu’il donnerait les terrains où serait construite sa gare. Bizarrement, le centre d’Orlando ne serait desservi que via une correspondance, sans doute en tramway.
La Floride ne veut pas en rester là. Elle a aussi demandé – en vain – à Washington de cofinancer les études pour l’étape suivante : 390 km d’Orlando à Miami, qui seraient parcourus à 280 km/h au moins. Il y en aurait pour 8 milliards de dollars, plus l’achat des terrains. Le ministère local des Transports table sur une mise en service de cette deuxième phase dès 2017. Pour la suite, il a prévu des lignes nouvelles entre toutes les grosses agglomérations de l’Etat.
Dans le Midwest, autour de Chicago
La ville de Barack Obama n’aura pas les Jeux olympiques de 2016, mais elle pourrait se trouver dans quelques années au cœur d’un vaste réseau de trains rapides long de près de 5 000 km. Même si la SNCF a proposé à l’automne tout un réseau à très grande vitesse qu’elle estime à 68 milliards de dollars, on ne parle pas ici de TGV : les trains rouleraient à 175 km/h, dans un premier temps du moins. Les voies ferrées de la région permettent en effet d’atteindre ces vitesses déjà convenables sans trop se ruiner. A terme, il s’agit de relier Chicago à toutes les grosses agglomérations voisines. Et il y en a beaucoup, de taille respectable : Cincinnati, Cleveland, Colombus, Detroit, Indianapolis, Milwaukee, Minneapolis/St. Paul, St. Louis… Les représentants de huit Etats se sont alliés pour présenter un dossier commun à Washington.
La première ligne doit relier Chicago à St. Louis (460 km). 1,102 milliard de dollars fédéraux doivent permettre de relever la vitesse, pour réduire le temps de parcours de 5 heures 30 à 4 heures. Cette ligne qui traverse la circonscription du secrétaire aux Transports Ray LaHood serait ultérieurement prolongée à travers le Missouri jusqu’à Kansas City. Cette seconde section – aussi longue que la précédente – ne recevra pour l’instant que 31 millions de dollars. Il s’agit surtout ici de s’assurer que 85 % des trains arrivent à l’heure dans cinq ans, contre 18 % actuellement…
Au nord de Chicago, l’Etat du Wisconsin a reçu plus de 10 % de la manne de Washington (810 millions d’euros) pour un projet discret, à l’échelle du pays, mais emblématique de la politique ferroviaire de l’administration Obama. Il s’agit de rénover et de rouvrir au trafic voyageurs la ligne reliant Milwaukee, la plus grande ville de l’Etat, à la capitale Madison. Ses 140 km doivent être parcourus en une heure, dès 2013 si tout va bien. Pour le matériel roulant, l’espagnol Talgo a déjà été choisi. Il doit d’ailleurs installer une usine d’assemblage sur place. La ligne Milwaukee – Madison a vocation à être prolongée au sud depuis Chicago – en modernisant la voie actuelle, pour laquelle le Wisconsin a déjà commandé deux rames chez Talgo – et au nord-ouest jusqu’à Minneapolis.
Enfin, 244 millions de dollars iront à la poursuite de l’amélioration en cours des 490 km de ligne reliant Chicago à Detroit et Pontiac. Les autorités locales avaient réclamé quatre fois plus.
Dans l’Ohio
Appelé à terme à se connecter au réseau constitué autour de Chicago, le « corridor des 3C » a reçu 400 millions de dollars. L’idée est de rouvrir la ligne reliant les trois principales agglomérations de l’Ohio, Cleveland, Colombus et Cincinnati, fermée au trafic passagers en 1971. Les premiers trains devraient circuler en 2012. Ils seront assez lents au début : les 400 km du parcours devraient prendre 6 heures 30. L’Ohio avait demandé 1,5 milliard de dollars ; il devra patienter pour accélérer ses nouveaux trains…
Au nord-ouest (Pacific Northwest)
D’Eugene, au centre de l’Oregon, à Vancouver, au Canada, ce corridor long de 750 km dessert notamment Portland et Seattle. Il s’agit surtout d’améliorer la ligne existante pour permettre à des trains plus fréquents de rouler à 175 km/h de Portland à Seattle et Vancouver. Washington va apporter 598 millions de dollars au projet, avec pour « vision à long terme » la construction d’une ligne nouvelle qui serait parcourue à 240 km/h.
Au sud de Washington
Le « Southeast Corridor » de l’administration fédérale a été recentré sur une ligne longue de 770 km reliant Washington DC à Richmond (Virginie), Raleigh (Caroline du Nord) et Charlotte (idem). Elle a mis 620 millions de dollars au pot. L’idée est de porter à terme la vitesse maximale des trains – diesel – à 175 km/h. Aller de Washington à Charlotte prendrait tout de même 6 heures 10… soit 3 heures de moins qu’actuellement !
Au nord-est
Le programme de l’administration Obama comprend plusieurs opérations dans la région – outre le « corridor nord-est » de l’Acela Express –, aucune n’étant vraiment spectaculaire. C’est l’Etat de New York qui a reçu le plus d’argent (148 millions de dollars) pour améliorer sa ligne principale qui relie sur 750 km New York, Albany (la capitale), Syracuse, Rochester et Buffalo. C’est-à-dire pas grand-chose, vu l’ampleur de la tâche. L’Etat a créé en 2005 un groupe de travail chargé d’étudier dans quelles conditions, et pour combien, la vitesse des trains pourrait être augmentée à 200 km/h. Il devra patienter !
En Pennsylvanie, l’amélioration de la ligne reliant Philadelphie à Harrisburg (170 km) va se poursuivre. Elle a vocation à être prolongée jusqu’à Pittsburgh (390 km de plus). Pour l’instant, un seul train de passagers quotidien – particulièrement lent – circule sur cette voie, très empruntée par les convois de fret. Washington va déjà apporter 800 000 dollars pour les études.
Dans la même région du Nord-Est, la nouvelle carte du département des Transports reprend la vieille idée d’une ligne à grande vitesse transfrontalière reliant New York à Montréal, au Québec (et enterrant le vague projet Boston – Montréal des schémas précédents). Mais, pour l’instant, Washington n’a débloqué que 3 millions de dollars pour construire… 5 km de voies.
Le Texas oublié
En 1991, un consortium associant GEC-Alsthom et Bombardier avait été retenu pour réaliser un TGV formant un triangle entre les trois principales agglomérations du Texas : Dallas, Houston et San Antonio. Il avait dû jeter l’éponge en 1994, victime de difficultés financières et du lobbying intense de la compagnie aérienne Southwest Airlines. Des groupes de pression locaux se sont réveillés ces derniers mois pour remettre le « triangle texan » – d’aucuns parlent d’un « T-bone » – au cœur du débat. Mais le ministère des Transports local est pour l’heure plutôt circonspect (ce qui ne l’a pas empêché de demander 1,8 milliard de dollars !). Du coup, cet Etat républicain où la voiture est reine est le grand perdant de la distribution de subventions de Washington. Il n’a reçu que 4 millions de dollars, qui serviront à améliorer la signalisation du côté de Fort Worth.
François ENVER