La révolution Businova
Multi-hybridation et châssis bimodulaire, caractéristiques du nouveau Businova, étaient jusqu’ici parfaitement inconnus dans le monde des autobus. Portrait du véhicule le plus révolutionnaire de la dernière décennie…
Dévoilé à Strasbourg sur le stand de l’industriel Safra, le Businova était de très loin, sur le plan de l’innovation, l’attraction majeure de l’exposition. D’emblée, ce véritable « concept bus » de 10 m (10,50 m en version future, voire 12 m), avec un gabarit de 2,50 m, se démarque des autres midibus du marché, tant par sa silhouette extérieure que par ses aménagements intérieurs. Mais surtout, il apparaît en rupture totale au niveau technique, avec une conception de la structure de caisse et une gestion de la propulsion qui, dans l’urbain, n’existent nulle part ailleurs. Le Businova fait appel, pour la toute première fois, à la multi-hybridation et introduit le principe révolutionnaire d’un châssis bimodulaire…
Son inventeur, Dominique Delamour, n’est autre que le père du Microbus, qu’il développa avec la RATP avant que le constructeur Gruau ne l’industrialise. Au sein de la société R&D Industries dont il est le « créatif », et en partenariat avec l’industriel Safra, il avait conçu, à l’intention de l’opérateur Veolia, le programme Vivabus, basé sur un réaménagement total des intérieurs d’autobus à mi-vie (voire d’Agora ou d’Agora Line Irisbus sortant d’usine), qui intéressa près de 300 véhicules de 1996 à 2005. Au long de ces années, les équipes respectives de R&D Industries et de Safra semblent s’être mutuellement appréciées, et tous les ingrédients étaient réunis pour voir naître ce nouveau produit…
Ce sont les Jeux olympiques de Pékin qui inspirèrent, dès 2001, la structure étonnante du Businova. « Les Chinois voulaient des autobus entièrement électriques, mais il aurait fallu traîner cinq à six tonnes de plomb pour assurer les 200 km d’autonomie qu’ils nous demandaient ! On s’est alors dit que le mieux serait d’avoir une remorque à batteries qu’on changerait deux à trois fois par jour… », se souvient Dominique Delamour. Et c’est justement à partir de cette réflexion qu’est né le concept du châssis bimodulaire. Le Businova se présente ainsi comme un autobus accouplé à une remorque technique, qu’il tracte toutefois non pas derrière lui, mais à l’arrière en dessous de lui, et toujours à l’intérieur même de son gabarit. Pour ce faire, les longerons reprenant les efforts de la structure de caisse ne sont plus situés au niveau du châssis, comme classiquement, mais en partie haute, sous le pavillon. Du coup, il devient possible de dégager dans le porte-à-faux arrière l’espace nécessaire pour une remorque sous caisse. Côté aménagement intérieur, cette remorque se traduit par la possibilité d’aménager à l’arrière un « belvédère », espace convivial surélevé d’où les voyageurs jouiront d’une excellente visibilité.
La remorque repose sur un essieu porteur à roues simples de diamètre 750 mm, allégeant d’autant le véhicule. Elle dispose d’un système d’attelage rapide permettant de la dételer ou de l’atteler en un quart d’heure. Les batteries du projet chinois ont laissé place à un véritable « power-pack » (ou module « énergie ») autoporté dont on peut faire l’échange standard en atelier en lui substituant, par exemple, une remorque-relais : opération réglementairement d’autant plus aisée que ces remorques, en tant que partie intégrante du véhicule, ne sont pas assujetties à la délivrance d’une carte grise. On voit immédiatement l’avantage considérable que les opérateurs retireront de ces dispositions constructives aujourd’hui brevetées, puisque la maintenance lourde pourra ainsi s’effectuer en « temps masqué », sans immobilisation du véhicule… Bien différent de celui d’une remorque traditionnelle, l’attelage n’offre que les deux degrés de liberté en rotation, permettant tangage et roulis, le troisième, selon l’axe perpendiculaire au plan de roulement, étant interdit. La remorque, dont l’essieu est de surcroît directeur avec un angle de braquage d’environ 12°, ne peut ainsi jamais sortir du gabarit. A l’arrière, il y a donc deux essieux : l’essieu moteur du véhicule avec roues à pneus larges de diamètre 980 mm attaquées par un pont ZF, et l’essieu suiveur de la remorque.
L’autre principe fondateur du Businova est l’optimisation exceptionnelle de la récupération d’énergie. Une dizaine de tonnes freinées avec une décélération de 1 m/s2 dégage, certes, une énergie considérable, mais Dominique Delamour n’était pas convaincu par les supercapacités, pourtant très tendance mais qu’il juge chères et pas totalement au point. « J’ai décidé d’utiliser l’hydraulique aux basses vitesses, pour lesquelles elle est particulièrement bien adaptée », explique-t-il. De fait, le rendement hydrostatique frise les 80 à 90 %. Côté propulsion, le Businova est donc basiquement un véhicule à traction électrique, mais avec assistance hydraulique et renfort thermique. Il démarre électriquement tout en étant très vite assisté par l’hydraulique, qui devient prépondérante. S’il accélère encore, c’est un groupe thermique tout petit (2,5 l !) qui peut alors venir en aide à la traction électrique, dont le moteur synchrone à aimants permanents, fourni par Leroy Somer, tourne en permanence. Au freinage, la première phase de la récupération est électrique, avec recharge prioritaire des batteries auxiliaires puis de celles de traction, tandis que la seconde phase, aux basses vitesses, est hydraulique, avec remplissage des bidons d’huile. Ainsi utilise-t-on, à chaque instant, le mode de récupération dont le rendement est le plus performant, tandis que le moteur thermique sert également à conserver les bidons sous pression. Les batteries Dow Kokam sont maintenues à température nominale par circuit d’eau pour fiabiliser leur fonctionnement sous toutes les ambiantes et permettre d’en accroître la longévité. Pareille « tri-hybridation » devrait permettre de substantielles économies d’énergie. Dominique Delamour vise 15 l aux 100 km (avec le seul gain provenant de la motorisation), contre 35 l pour un véhicule diesel équivalent ! Pour compliquée que la tri-hybridation puisse sembler, elle n’a pourtant rien d’une « usine à gaz », puisque les trois modes (électrique, hydraulique et thermique) fonctionnent isolément en intelligente synergie, le jeu consistant à faire tourner le moteur thermique le moins longtemps possible. Le secret réside dans la mystérieuse boîte de couplage, montée sur le véhicule et qui reçoit notamment de la remorque le couple via un cardan. Ce véritable répartiteur de puissance, géré par un calculateur, optimise à chaque instant le dosage des trois modes. Entre boîte de couplage et pont, on retrouve, en revanche, une transmission classique. Cette hybridation pourrait être ainsi qualifiée de « série-parallèle ». Deux portiques sous-tendent la structure de caisse avec accès à 220 mm. Dans le montant gauche du portique arrière, se trouve stockée l’huile (pour raccourcir le circuit et diminuer les pertes de charge) et dans le montant droit l’électronique de puissance. Le portique avant, lui, abrite la basse tension et la gestion de la partie pneumatique (freinage et suspension). Les premières réflexions sur le Businova remontent à 2004, la décision de lancer le projet date de février 2010, et le prototype, élaboré à partir de mars 2011, a tout juste été terminé pour les RNTP. D’une capacité d’environ 75 voyageurs, le véhicule de série pourrait être vendu environ 350 000 euros avec batteries, soit au prix d’un hybride…
Philippe Hérissé
Solaris : à la conquête du marché occidental
Solaris avait apporté son nouveau BHNS pour le Tzen d’Ile-de-France. Développé sur la base de l’Urbino 18, il se caractérise d’emblée par une face avant étroitement dérivée de celle du Tramino. Equipé d’un poste de conduite également inspiré par le tramway, avec tableau de bord à écran tactile, il dispose d’une articulation translucide, d’une monte « super-single » sur l’essieu n° 2 pour élargir le passage intérieur, d’un éclairage du plancher et de spots, de portes coulissantes, et du guidage optique fourni par Siemens. La grande nouveauté, qui a fait l’effet d’une bombe chez les observateurs éclairés, n’était bien sûr pas présente à Strasbourg, mais le constructeur polonais a accepté de nous en fournir les premières vues d’artiste. Il s’agit de la première commande à l’exportation et, qui plus est, en Allemagne, au pays de Siemens et Bombardier, du Tramino, son nouveau tramway dont les toutes premières unités viennent d’être livrées à Poznan. Encore plus incroyable, Solaris a remporté ce marché de seulement cinq rames pour le réseau de Jena sur la base de spécifications imposant des dispositions constructives radicalement différentes de celles du Tramino d’origine ! Entièrement équipé de GT 6M-ZR (version métrique bidirectionnelle du GT 6N qui fut, en 1990, le premier tramway du monde à plancher bas intégral), Jena voulait retrouver (pour des similitudes de comportement dynamique des rames et de disposition de ses installations de maintenance) un matériel articulé similaire, à trois caisses reposant chacune sur un bogie, alors que la fabrication des GT 6 est abandonnée aujourd’hui. Solaris livrera, dans le courant du premier semestre 2013, cette toute petite commande très particulière, qui augure bien de sa capacité, eu Europe occidentale aussi, à décrocher de nouveau marchés…
Ph. H.
Scania : le Citywide est arrivé
Il n’était pas présent à Strasbourg, car son constructeur avait préféré attendre une semaine de plus pour le dévoiler à Courtrai, au sein de Busworld. Lui, c’est le Citywide, le nouvel autobus de Scania. Ce n’est pas tous les jours qu’un constructeur lance sur le marché une nouvelle génération de véhicules pour le transport urbain. L’actuel Omnicity avait été présenté pour la première fois lors du 49e congrès de l’UITP (Union internationale des transports publics), à Stockholm, en 1991. L’ « autobus qui sourit », comme le qualifiaient alors ses designers, avait intronisé l’idée de conférer à la face avant une expression sympathique, idée qui sera ensuite reprise, sous une forme ou une autre, par nombre de constructeurs. Même si l’Omnicity, autobus d’avant-garde à son époque, avait bien subi un léger relooking, il est clair que, vingt ans plus tard, le temps était venu de lui trouver un digne successeur. Le tout nouveau Citywide, dont le visage affiche cette fois sa forte appartenance à l’actuelle gamme Scania, se déclinera en bus urbain et suburbain, à plancher surbaissé ou bien de type « low entry », et dans les versions solo à deux ou trois essieux, ainsi qu’articulé. Les options de chaînes cinématiques comprendront des moteurs à gazole/biogazole, gaz/biogaz et bioéthanol, le constructeur proposant, comme à l’accoutumée, le plus large choix du marché en matière de moteurs à carburants renouvelables.
Ph. H.
Irisbus : « Sobrissime » hybride
Leader du marché français, Irisbus présentait sur son stand trois véhicules de 12 m représentatifs de ses trois axes forts du moment : le Citelis hybride, le BHNS Crealis Neo aux couleurs Tzen, et le Crossway LE. Les premiers essais de consommation réalisés à Lyon, fin 2010, en conditions d’exploitation commerciale avec stationnement aux arrêts et ouverture-fermeture des portes sur le Citelis hybride de 12 m lesté pour simuler une cinquantaine de voyageurs, ont mis en évidence des réductions de consommation jusqu’à 39 %. Quant au Crossway LE (Low Entry) en version « autobus » (une porte double à l’avant et au milieu), il connaît un vrai succès avec déjà 70 véhicules vendus en France cette année.
Evobus : l’interurbain prend de la hauteur
Outre le nouveau Mercedes-Benz Citaro C2, déjà largement présenté dans nos colonnes et qui faisait à Strasbourg sa première apparition sur un salon, Evobus présentait un véhicule inédit pour le transport interurbain, le Setra S 431 DT. Il s’agit d’un autocar à étage décliné en version « transports en commun » et plus spécialement destiné aux lignes routières régionales qui, dans la mouvance actuelle, pourrait avoir tendance à se développer. D’une capacité record de 83 voyageurs assis, le Setra S 431 DT n’en offre pas moins un excellent confort. Quant au Citaro C1, il devrait continuer à être produit jusqu’en 2013, mais ne passera pas, bien entendu, le stade de l’Euro VI pour lequel le C2 est déjà tout préparé.
Gruau : tout électrique
Pour ses dix ans, qui coïncidaient avec les RNTP, le célèbre Microbus devient « Bluebus ». Avec son plancher intégralement plat, qui se trouve être aussi le plus bas du monde puisque sa cote n’excède pas les 180 mm, ce minibus non dérivé d’un utilitaire du marché, et au gabarit de 2,19 m pour une longueur de 5,46 m, reprend, en réalité, toutes les bonnes idées de son prédécesseur. Etant « tout électrique », le Bluebus met en œuvre trois packs de batteries BatScap LMP à électrolyte 100 % solide, autrement dit sans liquide ni gaz, qui stockent cinq fois plus d’énergie et se rechargent en quelques heures, octroyant une autonomie d’une journée d’exploitation.