Le nom de Fouga évoque encore un avion à réaction, le Fouga Magister popularisé par la Patrouille de France dans les années 1960. En fait, l’entreprise qui le conçut, fondée par Gaston Fouga (1881-1944), débuta en créant à Béziers un atelier de réparation ferroviaire dans le contexte de la grève de mai 1920 : tout comme le PO et le PLM réembauchèrent leurs ouvriers révoqués dans des ateliers privatisés (Saint-Pierre-des-Corps et Nevers- Vauzelles), Fouga reprit la gestion des ateliers de la Compagnie du Midi. Il fut même constructeur de matériel de chemin de fer développant notamment, en collaboration avec Dunlop, une automotrice restée à l’état de prototype.
La crise des transports de 1918-1921 et la création des Éts Fouga
Deux raisons, l’une conjoncturelle et l’autre structurelle, expliquent la création des Éts Fouga. La première découle de la « crise des chemins de fer » consécutive à la Première Guerre mondiale. En recouvrant leur autonomie en février 1919, les compagnies trouvèrent un réseau meurtri : installations détruites dans l’Est et le Nord, immobilisation de nombreuses locomotives pour réparation, réduction drastique des parcours due à la mauvaise qualité du charbon, voies mal entretenues, hétérogénéité du personnel recruté pour remplacer les agents mobilisés, hausse générale des prix, etc.
La loi du 24 avril 1919 dite « des 8 heures », qui limitait la durée hebdomadaire du travail à 48 heures, aggrava la situation car son application « trop stricte et trop hâtive » – entre le 1er mai et le 1er octobre 1919 – exigea l’embauche de 100000 cheminots supplémentaires non qualifiés. Ce recrutement massif accentua la diminution du rendement: un contemporain, le sénateur Jeanneney, déplora ainsi que « l’on ait enlevé aux campagnes » des travailleurs « pour surpeupler et encombrer des bureaux et des gares ». Si bien que le chemin de fer ne pouvait absorber le trafic croissant suscité par la reprise générale, supérieur de 50 % à celui de 1913. Dès le retour de la paix, les réseaux prirent des mesures d’urgence pour remettre en état le matériel roulant.
Ils recoururent ainsi largement à la sous-traitance mais si nombre de ces marchés eurent un caractère provisoire, d’autres furent au contraire de longue durée. Ainsi, le PLM signa en 1919 un contrat avec la Compagnie générale de construction et d’entretien du matériel roulant (CGCEM), filiale fondée avec le PO et la Société de la Marine et d’Homécourt, pour gérer ses nouveaux ateliers de Nevers entrepris avant la guerre. La même année, la Compagnie du Midi décida de créer à Béziers un atelier exploité par une société anonyme indépendante. Elle confia cette mission à l’un de ses ingénieurs qui offrait toutes les qualités d’intelligence, de puissance de travail et d’énergie requises, Gaston Fouga.
Né le 11 décembre 1881 à Bordeaux où son père était mécanicien, ce diplômé de l’école des Arts et Métiers d’Angers (1901) était entré en 1903 au service de la traction du Midi où il acquit une solide expérience professionnelle en gravissant les échelons, du chauffeur jusqu’au chef de dépôt. Mobilisé en juillet 1914, d’abord souschef de service à la 7e section des chemins de fer de campagne, il partit en 1918 avec le grade de capitaine comme chef de la traction à Salonique1.
Démobilisé en 1919, il s’investit dans la création de l’entreprise qui portera son nom. Fondée à Béziers le 6 décembre 1919 pour 99 ans, la société « Établissements Fouga et Cie » (ci-après Fouga ou Éts Fouga) avait pour objet « la création et l’exploitation de tous établissements industriels, métallurgiques et de constructions mécaniques et installations électriques de toute espèce; construction, entretien, réparation de tous objets mécaniques et notamment du matériel de chemin de fer, voitures, camions, moteurs pour services publics et privés. »
Gaston Fouga apportait notamment « la promesse de location de tous terrains et voies d’accès nécessaires à l’exploitation, les projets d’aménagement et d’organisation ainsi que la promesse de tous traités et marchés avec toutes administrations, compagnies et services publics et privés. 2 » La nouvelle société n’entendait donc pas se cantonner au seul matériel ferroviaire ni travailler pour le compte exclusif du Midi dont elle n’était pas une filiale même si elle pouvait compter sur son appui.