Porteuse de promesses de désenclavement et de modernité, l’idée d’un chemin de fer d’Addis-Abeba à Djibouti naît dès la fin du XIXe siècle. Parti de Djibouti, le rail parvient à Dire Daoua en 1902. Dire Daoua est le centre névralgique de la ligne sous tutelle française. Après le retrait de la SNCF à la fin des années 70 et la concurrence de la route, commence le long déclin de l’infrastructure. En 2013, un accord est signé avec la Chine pour la construction d’une ligne électrifiée reprenant le tracé de l’ancien chemin de fer. Portraits de cheminots de Dire Daoua dans leur gare.
L’histoire du train et de la ville de Dire Daoua, ou Dire Dawa selon l’orthographe anglo-saxonne, est à replacer dans le contexte historique de la fin du XIXe siècle. Pour la première fois depuis bien longtemps sans doute, un pays africain, l’Éthiopie, tient tête à l’Europe coloniale qui se partage le continent. Il défait même l’Italie en 1896 lors de la bataille d’Adoua dans le nord du pays. Ottomans et Britanniques avaient déjà tenté en vain de s’emparer de la région, sans parler des Français présents depuis une dizaine d’années dans les territoires voisins « d’Obock et Dépendances », aujourd’hui Djibouti.
C’est dans cette lutte que se rassemble le pays, jusqu’alors constitué de petits royaumes, autour de son négus Ménélik II, le roi des rois, stratège militaire hors pair et véritable démiurge. Tourné vers l’avenir, fasciné par la modernité, il n’a de cesse de transformer son territoire. Électricité, téléphone, éducation, santé, photographie, postes, aviation font leur apparition dans cet État maintenant reconnu par les gouvernements du monde entier. Mais Ménélik II a aussi compris qu’il lui fallait, pour se hisser au niveau des Occidentaux, le moyen de transport efficace et à la mode de l’époque: le train. L’Éthiopie, pays enclavé, n’a pas de débouché maritime indispensable au commerce international alors en plein essor, un train ayant pour terminus un des ports de la mer Rouge remédierait un peu à ce grave handicap.
En 1894 la décision est prise et en accord avec les autorités françaises, Addis-Abeba, la toute nouvelle ville fondée par l’empereur (Addis Abeba signifiant la nouvelle fleur en amharique) sera reliée à Djibouti par une voie ferrée. La Compagnie impériale du chemin de fer éthiopien est aussitôt créée. L’autorisation officielle française, elle, n’arrivera qu’en 1897, peu avant le début des travaux.
Travaux qui dans un premier temps sont confiés à un ingénieur suisse, Alfred Ilg, employé d’une entreprise européenne implantée en Éthiopie, grand connaisseur des cultures locales et proche du négus (il y côtoie aussi Arthur Rimbaud). Léon Chefneux, important commerçant français et ami de Rimbaud est associé au projet en tant que cofondateur de la société et en charge de son financement.