Je ne me souviens plus dans quelles circonstances j’ai rencontré René Roy avec qui j’ai effectué mon premier parcours en cabine. C’est lui qui avait choisi le jour et la destination. Ce serait donc Vallorbe. Ce que j’ai retenu de cette journée, c’est la solitude de fond du conducteur : point d’échange de service avec le chef de bord, pas plus d’échange radio avec le PAR… Bref, une circulation parfaite, dans les temps, sans incident… Au foyer des roulants de Vallorbe, René Roy me désigna un de ses collègues français, accaparé à vérifier le calcul de ses primes, indifférent à notre présence, comme la preuve d’un émiettement du collectif des roulants, d’une extrême individualisation du travail… Une trentaine d’années plus tard, à ma demande, René Roy évoque ainsi ses débuts, non sans avoir soumis son manuscrit à la relecture de ses anciens confrères ! 28 années après avoir lâché le cerclo, un réflexe de rigueur ainsi réactivé ?
Comme chacun sait, la mise en route du service voyageurs en TGV a eu lieu le 27 septembre 1981 sur le réseau Sud-Est. Les premiers parcours ont été effectués de Paris vers Lyon, mais aussi vers Besançon, et encore vers Valence et Saint-Étienne, Grenoble et Genève. Mon premier parcours eut lieu le 28 en matinée sur Lyon et retour. Qu’en était-il des hommes de conduite dans ce temps de démarrage de cet outil : le TGV? Ce projet, tout d’abord, n’était pas psychologiquement intégré dans nos esprits. C’était une réalisation qui nous semblait bien lointaine et peu de documents internes en faisaient mention. Toutefois, de temps à autre, nous regardions passer le 001 d’un oeil torve… Un jour, néanmoins, nous avons su que notre dépôt serait concerné par la conduite de ce train. Noyé dans la masse de mes collègues conducteurs et loin de figurer parmi des leaders locaux – « les pieds fins » –, je ne pensais pas à cette éventualité avant longtemps. Toutefois, j’avais 41 ans en 1979 et nous avons appris que la formation à la conduite du TGV avait été limitée à 45 ans. L’école, un peu pointue, avait probablement incité nos dirigeants à rationaliser le processus. Un retour sur investissement de la formation d’au moins 5 ans. Je pris donc la peine de réviser mes documents dans l’été 1979.