En service depuis près de 50 ans sur le RER, le matériel MS 61 vit ses dernières semaines sur le réseau. C’est un matériel pionnier, emblématique du RER, qui s’apprête ainsi à disparaître.
Impossible de parler du RER sans évoquer le MS 61. Ce matériel mythique est un peu au réseau express ce que le Sprague est au métro. Tout le monde l’a vu passer, tout le monde est monté dedans. Depuis quelque temps, pourtant, ses sorties sont plus rares. Seuls quelques trains circulent encore et, face aux rames à deux niveaux, l’ancien matériel a pris un sacré coup de vieux. Le vrombissement de ses moteurs tranche face à la douce musique des trains modernes. Le retrait sans fanfare du MS, trois éléments par mois, nous fait presque oublier qu’il est le matériel qui a fait le RER. Après le lancement du programme du métro express au début des années 60, on décide l’électrification en 1 500 V des anciennes lignes de Vincennes et de Saint-Germain-en-Laye et leur reprise par le RER. Il y a 14 km de tunnel à construire en plus de la modernisation des lignes existantes. Dans la foulée du premier coup de pioche symbolique au pont de Neuilly en 1961, lançant le RER, on élabore un nouveau matériel destiné à desservir ces lignes de métro régional.
L’exploitation doit se faire à une vitesse commerciale de l’ordre de 60 km/h. Pour cela, il faut disposer d’un matériel performant et capacitaire apte à rouler à 100 km/h en ligne, tout en desservant des arrêts rapprochés. Le « matériel suburbain 61 » est construit à partir de 1963 et il est présenté pour la première fois en juin 1966 à l’exposition ferroviaire de Montparnasse. Les rames sont constituées de trois voitures, deux motrices (23,80 m) encadrant une remorque (23,50 m), pouvant former des trains de un, deux ou trois éléments selon les besoins du trafic. Un système d’attelage automatique de type Scharfenberg permet d’adapter facilement la composition. Une rame de neuf voitures occupe les 225 m de la station. 2 574 voyageurs peuvent trouver place dans chaque train, une capacité exceptionnelle pour l’époque, qui se révélera au final insuffisante.
C’est en 1967, avant même l’inauguration du RER, que les premières rames arrivent sur le réseau. Elles sont d’abord engagées en renfort sur la ligne de Sceaux, qui n’est pas encore le RER B. Les dernières rames Z y ont été livrées en 1961 et ce matériel imaginé dans les années 30 n’est plus adapté au nouveau réseau. Le 14 décembre 1969, le MS entre en service sur la ligne de Vincennes, reprise par la RATP après modernisation, en remplacement des rames réversibles vapeur. Le contraste est saisissant et les voyageurs ont le sentiment d’avoir fait un saut du jour au lendemain dans le nouveau millénaire. Au fur et à mesure des livraisons, les rames vont être déployées sur le nouveau réseau qui se dessine. En janvier 1970, c’est entre Étoile et La Défense que circule le MS 61 (le temps d’un salon au Cnit), avant l’ouverture officielle de la ligne en février. Le RER est véritablement lancé, et les chantiers se multiplient aux quatre coins de l’Îlede- France. Le « métro express régional » doit être à la région ce que le métro est à Paris. Le MS 61 en est le symbole. Pour le voyageur, il a l’aspect d’un métro, proche par certains côtés du MF 67, qui arrive en même temps sur le réseau urbain.
Plusieurs séries sont construites avec des habillages différents. Le marché se partage entre Brissonneau et Lotz et la CIMT. Les séries A et B sont reconnaissables à leur face avant arrondie et leur pare-brise en trois éléments. L’essuie-glace est suspendu par le haut. Sur les séries C et D, la face avant a été redessinée, plus plate, le pare-brise d’un seul tenant et l’essuie-glace fixé par en dessous. Une dernière série E et Ex d’aspect identique aux C et D reprend le logo RATP allongé. Au total, 127 rames sont construites, livrées jusqu’en 1982 qui vont se déployer sur les lignes A et B au fur et à mesure des mises en service. Le MS 61 va longtemps rester le matériel qui incarne le RER. Et c’est bien sûr toujours à ses commandes que l’on procède aux inaugurations, où les plus grands n’hésitent pas à se déplacer. En novembre 1971, c’est dans une MS 61 qu’a pris place Georges Pompidou pour ouvrir la section vers Auber. En décembre 1977, avec la mise en service de la gare de Châtelet-Les Halles, c’est la véritable naissance du RER, où les deux branches de la ligne A, tout comme l’ancienne ligne de