L’échéance du 11 décembre 2011, date de mise en circulation de la branche est de la LGV Rhin-Rhône, approche à grands pas. Située au coeur de cette charnière stratégique entre la vallée du Rhône et son débouché sur la Méditerranée et le nord de l’Europe, la région de Franche-Comté voit en ce projet une occasion à ne pas rater. Comment la Franche-Comté, la Bourgogne et l’Alsace peuvent-elles tirer parti de cette ligne qui s’annonce comme une opportunité que leur envient bien d’autres régions? Rappelons que ce chantier bénéficie d’un budget de 2,5 milliards d’euros, ce qui en fait le plus grand en France. Si les élus sont unanimes sur la nécessité de penser «région» plutôt que «département», la spécificité de chaque département est bien réelle. La mise en place d’une politique commune de transport demande beaucoup de temps. Celui-ci passe vite car en matière de transport décembre 2011, c’est demain. Et les sujets sont aussi complexes que nombreux. Comme le précisait Yves Krattinger, sénateur et président du conseil général de Haute-Saône lors d’un colloque, «la ligne LGV et sa gare peuvent être autant un ventilateur qu’un aspirateur de population» . La prise de conscience est là, mais personne n’est en mesure d’apporter la moindre garantie quant à la venue d’entreprises nouvelles sur les 100 000 mde zone d’activité commerciale et industrielle prévue autour de la future gare Besançon-Franche-Comté TGV Vincent Fuster, vice- président du conseil général du Doubs, estime pour son compte que l’on a mis l’accent sur le développement économique alors que le tourisme n’a pas assez été pris en compte. Au vu de la conjoncture économique, cette remarque n’est pas anodine. Du côté des futurs usagers, notamment les utilisateurs des TGV actuels, les questions concernent le prix des billets sur la future ligne et celui des parkings. Là encore, ces questions ne sont pas accessoires, car la fréquentation des TGV pourrait fortement pâtir d’une tarification trop élevée qui pénaliserait les TGV face à la route ou aux TER. La directrice générale déléguée SNCF Voyages, Mireille Faugère, répond sans ambages que la grande vitesse coûte extrêmement cher, et qu’il faudra probablement s’attendre à des prix revus à la hausse. Christian Proust, conseiller général dans le Territoire-de-Belfort, estime que la LGV tombe mal en ces temps de crise économique. Et cette ligne coûte très cher à la région Franche-Comté qui aimerait une aide supplémentaire de l’Etat. Ce qui amène les usagers des TER à dénoncer «une politique ferroviaire à deux vitesses» en Franche-Comté et à craindre une réduction des services de TER.
Rêve de mégapole
L’union fait la force. C’est sur ce principe bien connu qu’Yves Krattinger se prend à rêver d’un rapprochement entre les villes qui jalonnent la branche est. Car au total les huit villes et leurs agglomérations voisines comptent près d’un million de personnes. Il est vrai qu’avec le TGV le temps l’emporte sur les distances (voir encadré ci-contre), mais certaines villes et la plupart des villages se trouvent à plusieurs dizaines de kilomètres des gares. Aux temps de parcours du TGV, doivent donc être ajoutés ceux nécessaires pour rejoindre les gares. Dure réalité de la vie en province. En effet, le choix des gares pour la branche est s’est porté sur Besançon et Montbéliard-Belfort. La future branche ouest permettra un arrêt à Dijon, et la branche sud, dont les premières études de projets ont déjà commencé, desservira Lyon. Des services de bus ou des navettes ferroviaires permettront de faciliter l’accès aux gares. Dans tous les cas, l’idée d’une unité économique et sociale via le TGV à travers les villes sur une distance de plus de 150 km semble de prime abord complexe et onéreuse pour l’usager.
Les ambitions européennes de la LGV Rhin-Rhône
Cet axe qui permet de relier l’Europe de l’Est à celle du Sud n’a jamais cessé d’agiter les esprits avec, durant plusieurs décennies, le projet plus ou moins latent et finalement abandonné du canal à grand gabarit qui devait emprunter la vallée du Doubs. La LGV Rhin-Rhône vient donc concrétiser une volonté politique placée au rang de priorité nationale. Ainsi, c’est l’axe Francfort – Lyon – Marseille – Barcelone qui est visé à moyen terme, via les branches est et sud de la LGV Rhin-Rhône. La véritable raison d’exister de cette ligne se trouve avant tout ici. Les régions qu’elle traverse doivent alors saisir la balle au bond et faire au mieux pour en profiter. La LGV est une opportunité pour la Franche-Comté, la Bourgogne et l’Alsace, mais encore faut-il savoir comment l’utiliser et à qui elle peut profiter. Dans toutes les villes concernées, ça gamberge dans tous les sens. Il est très difficile d’affirmer dans quelle mesure la nouvelle ligne peut apporter un peu d’espoir au secteur économique, notamment aux PME en difficultés, dans ces régions touchées de plein fouet par la crise. Certes, en facilitant les déplacements sur plusieurs axes, la LGV verra de toute évidence ces rames se remplir de voyageurs, qu’il s’agisse de déplacements à but professionnel, de loisirs ou touristiques. Une chose est certaine, ce type de ligne joue uniquement le jeu des grandes villes de province. En dessous du seuil des 100 000 habitants, il n’y a tout simplement pas de gare. Certaines villes qui disposaient d’un service TGV (comme Dole, dans le Jura) le perdront en 2011. De quoi isoler un peu plus les départements ruraux comme le Jura ou une bonne partie de la Haute-Saône.
Les temps de parcours (estimation pour 2012)
– Dijon – Strasbourg : 2h 10
– Dijon – Francfort : 4h 05
– Besançon – Paris : 1h 40
– Besançon – Marseille : 3h 35
– Besançon – Zurich : 2h 10
– Belfort-Montbéliard – Paris : 2h 20
– Belfort-Montbéliard – Dijon : 0h 50
– Mulhouse – Lyon : 2h 25
Deux colloques pour en parler
La reflexion sur les villes et l’arrivée de la desserte à grande vitesse ont fait l’objet de deux colloques qui se sont tenus les 7 et 14 mai à Vesoul (Haute-Saône) et Besançon (Doubs). Deux thèmes avaient été choisis: «Transports et mobilité durable» et les «2Rencontres de la grande vitesse». Ces deux colloques faisaient appel à des «grands témoins» parmi lesquels: Mireille Faugère, directrice générale déléguée SNCF Voyages, Alain Bonnafous, professeur de sciences économiques à l’IEP de Lyon, ou encore Patrice Noisette, docteur en urbanisme, chercheur associé au CNRS.