Sous le second Empire, la Com-pagnie d’Orléans construisit la ligne Périgueux – Agen (tronçon de la ligne Paris – Tarbes), dont certain politique rêvait qu’elle aille jusqu’à Madrid. Mais elle n’a jamais dépassé Tarbes. Le rajout d’un appendice ferroviaire la prolongea jusqu’à Bagnè- res-de-Bigorre seulement. Sur cette ligne, entre la gare d’Austerlitz (la gare de Paris-Orsay était tête de ligne à l’époque) et le piémont des Pyrénées, se trouve un ouvrage unique, le tunnel de Latrape, qui s’avère être le plus long tunnel de cet axe ferroviaire. Ce lieu chargé d’histoire s’appelle Mazeyrolles. Ce petit village périgourdin, situé entre Belvès et Villefranche-du-Périgord, voit le jour en 1862. Juste à la sortie du tunnel, là où il n’existait qu’une seule maison, avec l’arrivée du train naquit un village-champignon avec trois restaurants, une pension de famille et une gare située sur le lieu-dit du Got. Aujourd’hui, toutes les activités artisanales, industrielles, commerciales, scolaires et administratives de la commune y sont concentrées. À l’époque, c’était une des plus importantes gares du Périgord, après celle de Condat-le-Lardin. Son chiffre d’affaires, était le plus fort de la circonscription de Périgueux. Dans la région, les carrières (pierre, terre et castine) sont nombreuses et le fret a maintenu les activités de la gare du Got jusqu’en 1979, date définitive de sa fermeture.
La décision, prise par la Compagnie d’Orléans en 1857, du percement d’un souterrain en courbe à cet endroit, devant être livré aux circulations ferroviaires en 1863, se justifie par la volonté d’atténuer le profil de cette ligne reliant la Dordogne et le Lot-et-Garonne. Long de 1 875 m, juste avant le lieu-dit du Got, le souterrain de Latrape traverse le plateau du même nom. Il se trouve à 81 km de Périgueux et il permet de gagner 29 m de dénivelé. « Si l’on ajoute les deux rampes d’accès à chaque bout, l’on gagne 49 m de dénivelé explique Pierre Fabre, un enfant du pays et ancien cheminot très érudit, véritable mémoire vivante, connaissant parfaitement sa région. Cela permettait de maintenir le freinage forfaitaire, c’est-à-dire le freinage des lignes en plaine. À l’époque, il y avait deux freinages ; le freinage plaine et le freinage montagne ! Quand il y avait des profils de ligne sévères, on était obligé de passer au freinage montagne. Avec ce tunnel, on restait dans ce que l’on appelait autrefois les rampes inférieures ou égales à 16 ‰. Cela voulait dire qu’à chaque fois que l’on faisait 1 000 m, il ne fallait pas monter plus de 16 m pour garder le freinage plaine. La circulation était rendue alors plus souple qu’en montagne, où il fallait (il le faut toujours) respecter des critères de freinage très stricts et rigoureux (1). » Des convois lourds de plus de 400 m de long circulaient sur cette ligne atteignant la limite de sa capacité. Ils roulaient parfois en double traction, voire en triple traction, avec des machines à vapeur 141 R. Cette ligne d’importance permettait d’alimenter en charbon la Société minière et métallurgique du Périgord (une usine énergivore), qui fabriquait des tuyaux métalliques à Fumel (Lot-et-Garon-ne). Elle a été mise en double voie après la guerre de 1914. Mais, en 1943, sous la pression de l’occupant allemand, la voie 1 a été curieusement enlevée à la place de la voie 2 et envoyée en Allemagne. Suite à cela, la section de ligne entre Siorac- en-Périgord et Monsempron-Libos a retrouvé sa configuration initiale de voie unique.
Texte et photo de
Bernard CHUBILLEAU