Photos du dossier sur le lien ci-contre: http://vdr.elteg.info/011100-97-Les-Engerth-de-l-Est-des-vapeurs-ardennaises-au-service-de-l-industrie.html
Le début des années 1920
amorce le retrait de service des Engerth, retrait amplifié par l’apport
de locomotives plus puissantes issues des convulsions de la guerre de
1914-1918 : plus de 200 locomotives américaines type 140 provenant de la
logistique de transport des armées US du général Pershing, et quasiment
autant issues de l’attribution d’engins allemands par les conventions
d’armistice, où le meilleur côtoie le pire (14).
Malgré leur
technologie vieillotte et leurs performances dépassées, plus de 100
Engerth sont encore en service au début des années 1930. La série est
dispersée (parfois un seul engin est affecté) dans de nombreux dépôts
Est, où les machines assurent des services secondaires : manœuvres de
gare, trains de travaux, et aussi les « renforts en queue ». Ainsi, dans
la grande région, les dernières Engerth de Verdun assurent la pousse
en queue des lourds trains de chaux pour monter la rampe du tunnel de
Tavannes ; à Amagne, elles donnent le renfort en queue (pousse non
attelée) pour « monter Launois »… Les dernières Engerth de Châlons sont «
renfort en queue », pour « monter la Veuve » (sic)… À Lumes, ce sont 12
Engerth qui « font l’ouverture » du dépôt comme « établissement
titulaire » en septembre 1920, où elles assurent les nombreuses navettes
marchandises de l’ensemble ferroviaire Charleville -Mohon – Lumes –
Vrigne-Meuse – Faisceau Sedan et les trains de desserte locale sur les
lignes faiblement armées, tels le Chemin de fer d’intérêt local
Vrigne-Meuse – Vrigne-aux-Bois et la desserte Monthermé-Laval-Dieu –
Phades. Concernant cette dernière desserte, avec la longueur de l’étape
depuis Lumes ajoutée à la durée des manœuvres, la capacité en eau du
tender était insuffisante et, à Monthermé, il n’y avait pas
d’installations fixes de prises d’eau (château d’eau, grues
hydrauliques). Pour pallier cette sujétion du service, l’équipe de la
loco utilisait un appareil spécial, le « Bohler », appareil consistant
en une manche à eau terminée par une crépine jetée à la Semoy, eau
aspirée depuis une prise de vapeur branchée sur le « robinet trois voies
» du souffleur de la locomotive. Ce mode de prise d’eau restait
exceptionnel sur les grands réseaux, alors qu’il était communément
utilisé sur les petites locomotives du réseau CFD Ardennes de la ligne
Monthermé – Sorendal-Les Hautes-Rivières et Nouzonville – Gespunsart.
À
la création de la SNCF, en 1938, il restait 49 Engerth à l’effectif de
la nouvelle région Est, renumérotées 040 A (numéros compris entre 509
et 691). La moitié était à l’inventaire des dépôts de l’arrondissement
de Charleville (voir tableau page 24).
Après la Libération, la
disponibilité des locomotives de manœuvres 040 TA et des modernes 040 TX
(de technologie allemande, construites en France durant la guerre, du
type KDL – Kriegsdampflokomotive, « locomotive à vapeur de guerre »)
précipite le retrait des Engerth. Toutefois, quelques unités sont
reprises en « levage » jusqu’en 1947-1948. La dernière Engerth
ardennaise – la 040 A 608 – « tombe le feu » au dépôt de Givet au
cours de l’hiver 1953 (voir tableau page 24).
De nos jours, une vraie
Engerth remise à l’état d’origine est préservée au musée de Mulhouse :
la locomotive 312 Adour de la Compagnie du Midi, construite par l’usine
Kessler à Esslingen en 1854… Pour ce qui est de « nos » Engerth, celles
de l’Est, et compte tenu de leur carrière exceptionnelle, la 0.540,
qui fut longtemps pensionnaire des dépôts de Mohon et Longuyon, avait
été retenue avec mesures conservatoires pour le futur musée national du
Chemin de fer et garée à son retrait de service au dépôt de Sézanne en
novembre 1953. Mais, dans l’euphorie de la modernisation de la traction
et à une époque où la sauvegarde du patrimoine historique n’était pas
une priorité, la 540 fut découpée dans l’indifférence générale…