L’heure du retour à la mère patrie a sonné pour notre voyageur. Un retour via la Turquie et l’Europe de l’Est et centrale au cours duquel l’emport d’un vélo comme bagage va poser moult problèmes pour prendre le train comme le car qui se substitue parfois au précédent à l’improviste…
suite de la série présente dans les numéros 228, 227, et 226.
Nous arrivons à Ankara après 17 heures de route. L’Anatolie en un souffle. La gare routière est immense, aux dimensions d’un aéroport. Il en sort des bus en permanence, pour les quatre coins du pays. Le réseau d’autocars est extrêmement développé et efficace. Pas une ville qui n’ait sa gare routière. Les grandes, en périphérie, déploient près des voies express de nombreux quais permettant des correspondances rapides. Cela marche pourtant non pas sous la supervision d’une unique puissance publique mais par une compétition acharnée d’une ribambelle de petits et gros opérateurs qui payent des aboyeurs pour ameuter les clients qui auraient l’air perdus. « Istanbul ? Istanbul ? Suivez-moi ». Cette foisci, je demande un ticket avant de payer, quitte à prendre le bus suivant pour Istanbul. Dans l’autocar, on trouve d’ordinaire un garçon à l’allure classique et un peu snob des garçons de café chic parisiens ; la comparaison s’arrête là, car les garçons parisiens ne distribuent par gratuitement thé, eau et jus de fruits. Le trajet d’Ankara à Istanbul n’a que peu d’intérêt, si ce n’est la limitation de vitesse à 82 km/h à la sortie de la gare routière – après tout, pourquoi 80 plutôt que 82 – et les travaux de la voie ferrée, qui ont bien avancé depuis mon passage dans l’autre sens le mois dernier. La nouvelle caténaire est entièrement posée, le ballast est clair, le rail rouillé. Le chemin de fer est peut-être la seule chose qui se dérouille en vieillissant ! Nous passons le pont autoroutier sur le Bosphore, à une hauteur incroyable. La ville est sous les mêmes nuages gris et lourds qu’à l’aller. Une ville qu’on parcourt depuis 100 km maintenant. Le béton pousse sans concession autour des autoroutes. Le bruit ne semble pas être un problème suffisant pour contrer la pression foncière, qui se manifeste par des tours carrées plantées les unes à côté des autres, sans lien avec le reste de l’espace. Vu d’Europe, c’est très étrange. Nous arrivons dans une grande gare routière. « Elle n’est pas grande, elle est juste mal organisée », corrige un jeune qui me donne son téléphone pour regarder les horaires de train. Pas d’Istanbul – Sofia ce soir. Et pour aller vérifier sur place la gare est loin, le vélo a perdu sa poignée de frein avant dans la soute de l’autocar et le métro tout proche n’accepte les vélos qu’à partir de 20 h. Il faut que je parte ; cette ville en béton me donne la nausée. En même temps, c’est un peu comme si j’avais visité Paris