Les Re 6/6 11600, alias Re 620, ont encore quelques années de service devant elles, CFF Cargo prévoyant de maintenir une fraction significative de sa dotation jusqu’en 2035.
En ce début d’année 2023, les effectifs des Re 6/6 11600 ne comptent plus que 68 engins sur les 89 construits (kilométrage annuel moyen pour la flotte : 100 000 km). Ils ont tous bénéficié du renforcement de l’étanchéité des cabines de conduite aux ondes de pression, mais seulement 50 unités déjà équipées de l’ETCS (plus un prototype, sans) ont été rénovées. Le refit, mené de 2014 à 2022 aux ateliers industriels de Bellinzona (voir Rail Passion n° 303), permet de prévenir le vieillissement rapproché et de préserver la substance, pour plus de 10 ans, des locomotives. À cette occasion, leur câblage a été totalement renouvelé, leur toiture (et les éléments s’y trouvant) rénovée, leurs transformateurs révisés (avec remise à neuf du graduateur HT) et testés. Les bogies ont par ailleurs été refaits lors de la régénération des châssis. La révision des composants et des véhicules continuera à être effectuée selon la programmation usuelle. Ces opérations seront reprises par le futur NSIF de Arbedo-Castione.
Les Re 620 sont en l’état utilisées sur l’ensemble du réseau à voie de 1 435 mm (CFF mais aussi BLS, SOB, RhB…) avec les trains produits en Suisse par CFF Cargo. Les Re 6/6 11601 à 11689 ont été conçues pour à la fois ménager l’infrastructure (configuration BoBoBo) et être capables de performances extrêmement élevées :
• puissances de 8 020 kW en régime unihoraire, de 7 440 kW en régime continu ;
• efforts au démarrage de 394 kN, de 265 kN en régime unihoraire, de 234 kN en régime continu, de 195 kN à Vmax140 km/h ;
• effort de retenue : 135 kN de 140 à 0 km/h ;
• masses remorquées de 800 t à 80 km/h en rampe de 26 ‰/ 1 600 t à 111 km/h en 10 ‰/ 1 600 t à 140 km/h en 6,5 ‰.
Le début d’une merveilleuse aventure ferroviaire… En 1969 les CFF passent commande auprès de l’industrie helvétique de quatre prototypes numérotés 11601 à 11604, livrés en 1972 par SLM et BBC et destinés à comparer différentes solutions techniques. La plus visible étant la caisse articulée des Re 6/6 11601 et 11602 inspirée des Ge 6/6 701 à 707 du RhB. Pour faciliter l’inscription dans les courbes, la disposition d’essieux CC est abandonnée et sera pour la première fois dans l’histoire des CFF de type BBB. Les bogies sont du même type que ceux équipant les Re 4/4 II, série dont les Re 6/6 reprennent aussi l’allure générale.
Satisfaits des performances des prototypes, les CFF prennent livraison des 85 locomotives de série Re 6/6 (dénomination UIC Re 620) entre 1975 et 1980. La solution de la caisse articulée n’a pas été reconduite. Pesant 120 tonnes et mesurant 19,31 mètres, ces machines sont aptes à l’UM (unité multiple) entre elles ou avec les Re 4/4 II, III et IV, plus récemment avec les Re 465 du BLS. Avec leurs 7 850 kW (soit 10 600 ch), les Re 6/6 ont longtemps été considérées comme les locomotives à caisse unique les plus puissantes du monde.
Les Re 6/6 ont tracté autrefois des trains de voyageurs, tels certains Trans-Europ-Express et autres EuroCity (et même des trains régionaux), mais depuis la séparation des services, toute la série a été attribuée à CFF Cargo et ne tracte dorénavant que des trains de fret.
En février 2021, la Re 620 042 « Monthey » fut la première locomotive de la série à être envoyée à la casse sans que la cause en soit un accident. Plusieurs autres exemplaires sont d’ores et déjà retirés du service et servent de réserve de pièces avant leur ferraillage.
Aujourd’hui encore, la vision d’une Re 6/6 en train de gravir les rampes du Saint-Gothard en remorquant un long train de marchandises reste impressionnante. Plus impressionnante encore: la « Re 10/10 », la double traction constituée d’une Re 4/4 II et d’une Re 6/6, devenue presque standard, du moins sur la ligne du Saint-Gothard. La puissance de cette combinaison est limitée uniquement par la charge maximale au crochet de traction de 1400 tonnes pour une déclivité de 26 pour mille. Les deux locomotives seraient sinon tout à fait capables de gravir la montagne en remorquant quelques centaines de tonnes supplémentaires.