Le quatrième paquet ferroviaire, adopté fin 2015, prévoit d’étendre la concurrence dans l’Union européenne aux secteurs où elle n’était pas encore en vigueur. À savoir, le transport de voyageurs national et régional ou local. Avec des échéances respectivement en 2020 et 2026. Mais des anticipations sont possibles…
Voilà, c’est fait. Le 8 octobre 2015, le Conseil des ministres des Transports de l’Union européenne s’est mis d’accord pour adopter le pilier politique du quatrième paquet ferroviaire, qui définit notamment l’ouverture totale du transport ferroviaire à la concurrence. Ce sera pour 2026 avec beaucoup d’exceptions. Dans son projet, la Commission européenne prévoyait fin 2013 une mise en concurrence obligatoire pour l’attribution des contrats de service public de transport ferroviaire dès 2019 (TER et Intercités). Un voeu qui satisfaisait l’Association des régions de France, désireuse de mettre en concurrence la SNCF le plus rapidement possible. Les concurrents demandaient même d’avancer le calendrier pour préparer les dossiers dès 2014. Le 26 février 2014, les eurodéputés adoptaient le quatrième paquet ferroviaire en première lecture, non sans l’avoir amendé. Notamment, en repoussant la date des procédures d’appels d’offres à 2023. Et en ouvrant la porte à des initiatives nationales, en aménageant par exemple la séparation entre la gestion des infrastructures et l’activité du transporteur historique. Ce dernier point sera utilisé par le gouvernement français pour faire la réforme de SNCF et RFF.
La SNCF peut donc garder son monopole encore neuf ans sauf si la France décide d’anticiper comme en Italie ou en Allemagne. Le gouvernement Fillon souhaitait une mise en concurrence des TER dès 2015 ; le gouvernement Ayrault s’y est opposé. La prochaine échéance d’une alternance politique est 2017. Rappelons les évolutions de la concurrence ferroviaire. Le premier paquet, adopté en 2001, a ouvert la concurrence des services internationaux de fret opérant sur le réseau européen. Le deuxième paquet, adopté en 2004, a ouvert la concurrence de l’ensemble des services fret (international au 1er janvier 2006, domestique au 1er janvier 2007). L’Établissement public de sécurité ferroviaire est créé en lien avec l’Agence ferroviaire européenne, basée à Valenciennes. Le troisième paquet, adopté en 2007, a ouvert la concurrence des services internationaux de voyageurs (effectif en 2010). Elle est assortie d’une possibilité de cabotage (prise de voyageurs entre deux gares d’un même État) de manière limitée. La vocation internationale de la relation est privilégiée pour que l’équilibre économique des dessertes TER éventuelles ne soit pas compromis.
Cette directive s’accompagne de textes régissant la certification des conducteurs et les droits des voyageurs. L’entreprise francoitalienne Thello relie Paris à Venise depuis décembre 2011, puis Paris à Rome de décembre 2012 à décembre 2013, et enfin Marseille à Milan depuis fin 2014. Les services nationaux de voyageurs (TGV, TER ou Intercités) restent assurés par la SNCF en situation de monopole puisqu’ils ne sont ouverts à la concurrence. Alors que cet opérateur, comme d’autres, opère dans plusieurs pays européens. L’inverse n’existe pas. Certains pays demandent donc une réciprocité. Le quatrième paquet comporte un volet technique et un volet politique. Le volet technique concerne la sécurité et l’interopérabilité ferroviaires. Il a fait l’objet d’un accord en juin 2015. Son adoption est attendue rapidement. Pour accéder aux réseaux européens, les procédures administratives devraient être simplifiées.
Le volet politique concerne l’organisation des réseaux et les modalités d’ouverture à a concurrence. C’est lui qui a fait l’objet d’un accord le 8 octobre 2015. Le compromis final est attendu courant 2016. On y trouve les définitions du service public de transport ferroviaire et du service ferroviaire commercial. Le premier est assuré à l’initiative d’une autorité publique qui passe un contrat avec un opérateur. En échange de compensations financières, il est demandé un certain nombre d’obligations (desserte, fréquence, horaires, services à bord et en gares, ponctualité, voire composition des trains et type de matériels). En France, sont concernés les TER, Transilien et Intercités. Le second est un service librement organisé par l’opérateur. En France, il s’agit pour l’essentiel des trains à grande vitesse. Pour ces services commerciaux, l’ouverture à la concurrence des lignes commerciales nationales est prévue à partir de 2020… sous réserve de ne pas porter atteinte aux lignes TER et Intercités et de respecter le cadre social national. Ce dernier est en cours de négociation. Il devrait être défini mi- 2016. Il doit protéger le personnel et éviter le dumping social. C’est d’ailleurs la grande crainte des organisations syndicales françaises. En France, toute entreprise, y compris la SNCF, devra respecter ce cadre social.
Pour les services publics, 2026 est la date retenue pour un nouveau régime d’attribution des contrats de service public. La mise en concurrence par appel d’offres est la règle, mais l’autorité publique pourra préférer l’attribution directe. Elle devra cependant être justifiée par une meilleure qualité du service. Les exemptions visent les petits contrats, les petits marchés, les réseaux isolés, les situations d’urgence… La France soutient ce quatrième paquet, qui reconnaît le modèle ferroviaire français et garantit une concurrence équitable. Par contre, certains opérateurs privés qui attendent impatiemment cette ouverture ne cachent pas leur déception face à ce nouveau texte : échéances encore repoussées et libre choix maintenu. Après adoption, chaque État mettra en oeuvre le volet législatif national correspondant. 2026 risque bien de n’être qu’une date indicative d’autant que les contrats signés juste avant pourront servir jusqu’à leur expiration. Mais, par ailleurs, on n’est pas obligé d’attendre 2026 pour faire des expérimentations ici ou là, sur certaines lignes de TER, voire Intercités. La nouvelle géographie politique des régions, tant par leur territoire agrandi que par le nouvel exécutif, sera sans doute l’objet d’un fort lobbying des entreprises privées.