Depuis le 27 juillet, les trois lignes du nouveau tramway de Caen sont entrées en service. Le réseau équipé du Citadis X 05 vise à terme 60 000 voyageurs par jour.
C’est enfin l’épilogue d’un douloureux feuilleton commencé à la fin des années 90. Quand
l’agglomération de Caen décide de se doter d’un transport en site propre, les possibilités sont multiples. Alors que le tramway commence à s’imposer, ses coûts restent encore élevés pour des agglomérations moyennes. Beaucoup hésitent encore entre BHNS et tramway. L’une des solutions les plus intéressantes s’appelle GLT (Guided Light Transit). Développé par Brugeoise et Nivelles et reprise par Bombardier lors de son absorption, le GLT semble un bon compromis entre tramway et autobus. Bimode diesel-électrique, il peut circuler guidé par un rail central ou comme un simple bus, alimenté ou non par ligne aérienne de contact. Son roulement sur pneus offre une forte adhérence permettant de gravir des rampes jusqu’à 13 % et il peut facilement négocier des courbes très serrées. Sa plateforme plus simple à établir permet de réaliser des économies de construction. Pas besoin non plus de centre de maintenance spécifique, le GLT se remisant avec les autres bus.
Finalement, on le sait, ces belles promesses ne seront pas au rendez-vous. La solution GLT devenue TVR (Transport sur voie réservée) lors de sa mise en service à Nancy et à Caen, s’est révélée catastrophique. Les pannes à répétition, les déraillements, les impressionnants phénomènes d’orniérage engloutissent rapidement en maintenance les économies réalisées lors de la construction. Après 15 ans de (mauvais) services, Caen jette l’éponge et cesse l’exploitation du TVR le 31 décembre 2017. Pour le remplacer, l’agglomération choisit le Citadis d’Alstom, sur un tracé à peu de chose près identique au tram sur pneus.
Mais pourquoi le tram fer plutôt que le Translohr ou le BHNS ? Rodolphe Thomas, maire d’Hérouville-Saint-Clair et président de Viacités, le syndicat des transports de l’agglomération caennaise, s’explique : « Les études ont montré que le tram fer était la réponse en termes de fiabilité, de maintenance, de longévité et d’investissement à long terme. Choisir le tram fer plutôt qu’un BHNS, c’était investir dans un projet permettant de réduire les coûts de fonctionnement dans un contexte de baisses des dotations ».
Pour ne pas trop impacter les voyageurs, la conversion au tramway doit se faire le plus rapidement possible. La durée du chantier est fixée à (seulement) 18 mois, avec une ouverture du nouveau tram à l’été 2019. Mais est-ce réaliste d’autant que le réseau initial est prolongé au sud vers Fleury-sur-Orne et en centre-ville vers Presqu’île ? Il faut également construire un nouveau centre de maintenance.
Le chantier est complexe puisqu’il faut déposer l’ancien système avant d’engager les travaux du tramway. Dès l’arrêt des circulations du TVR, les ouvriers entrent en œuvre. Le rail unique est retiré et la piste de roulement détruite.
Il faut reprendre entièrement la plateforme avec parfois de mauvaises surprises. Rodolphe Thomas explique que les ouvriers sur le chantier ont ainsi découvert que pour livrer à temps le TVR en 2002, certaines déviations de réseaux ont été négligées. En clair, si un incident s’était produit sous la plateforme du tram sur pneus, il aurait fallu interrompre le trafic. La réalisation en 2018 de ces travaux non prévus a quelque peu compliqué un chantier déjà très tendu. L’autre difficulté a consisté à rendre cette plateforme compatible avec un matériel aux capacités bien différentes du TVR. Le tram sur pneus semblait en effet vouloir battre des records, notamment dans ses courbes et contre-courbes avec des rayons souvent à angle droit. Le profil est également assez rude avec des rampes dépassant parfois les 10 % comme rue des Muets.
Pourtant, la mission est largement remplie et ce 27 juillet 2019, les trois nouvelles lignes T 1, T 2 et T 3 sont opérationnelles. Le réseau comporte désormais six terminus avec cinq branches. Les trois lignes sont en tronc commun sur cinq stations en centre-ville avec un cœur d’échanges à Château-
Quatrans.