Alors que le transport du vin par wagons animait bon nombre de cours fret et d’ITE, celui-ci est aujourd’hui réduit à la portion congrue. Les plans Fret SNCF successifs et la fin de la filiale spécialisée Vinirail sont passés par là. À Tournan-en-Brie en Seine-et-Marne, un établissement vinicole continue de confier au rail des volumes importants et croit en ce mode vertueux.
À 15 h 27 une rame de 10 wagonsciternes tractés par la BB 75437 d’Hexafret longe les bâtiments de la Compagnie française des grands vins (CFGV), leader européen du vin mousseux hors champagne. L’entreprise créée en 1909, auparavant implantée aux chais de Bercy, utilise depuis le rachat de son ITE en 1984 le train pour acheminer une partie du vin nécessaire à l’élaboration des différentes marques commercialisées. Elle est raccordée à la ligne reliant Gretz- Armainvilliers à Coulommiers. Les volumes nécessaires sont en effet impressionnants pour ce site qui dispose d’une capacité de stockage de 13 millions de litres dans de gigantesques cuves, et produit plus de 50 millions de bouteilles par an. Elles sont quelque 200 000 provenant de verreries de France et d’Allemagne à arriver chaque jour, trafic que l’entreprise regarde pour transférer vers le ferroviaire. La longueur de la voie ferrée dans l’enceinte de l’usine, légèrement amputée en 2019, pourrait ainsi être doublée afin d’augmenter sa capacité. Par le passé, l’embranchement accueillait des dessertes de 24 wagons, livrées en demi-rames grâce à l’utilisation d’un faisceau de voies de service à Gretz.
Chaque mois, 10 wagons de type Zas représentant 600 000 l sont en moyenne expédiés par la société italienne Lotras, spécialisée dans le transport multimodal de liquides alimentaires, depuis le nord de l’Italie. Les mentions « Nur füer Lebensmittel » (Juste pour les courses) et « Wine and Must » (vin et moût) permettent à un observateur avisé de déterminer la nature de la marchandise transportée. Trenitalia et Hexafret via son offre MLMC assurent la traction des convois, passant par Vintimille pendant l’interruption en vallée de la Maurienne, non sans générer un surcoût peu favorable au fret ferroviaire. Seul le parcours terminal depuis Le Bourget vers Tournan est assuré en traction diesel.
Toutes les mesures utiles sont prises, conformément à une réglementation draconienne, pour préserver la qualité des vins transportés : wagons plombés en vanne de fond et capot, plombs numérotés avec contrôle de concordance à l’arrivée par le caviste, prélèvement et analyse physico-chimique et organoleptique en laboratoire… Les citernes seront dépotées via des canalisations inox, et le précieux liquide envoyé vers les cuves grâce à des pompes. Lotras remet un certificat de lavage des wagons dans les règles de l’art à chaque expédition. La CFGV dispose d’une semaine maximum pour vider la totalité de la rame. Franck Fortin, responsable élaboration process, et Cédric Bombart, chef de cave, rappellent l’importance de limiter le vide lors du transport afin de diminuer l’oxydation et le ballant du liquide.
Lorsqu’on regarde la rame de 150 m et 880 t de masse sur rail refouler dans les emprises du client, évitant ainsi 23 camions sur nos routes, on se dit que le choix de la CFGV est le bon pour décarbonner la logistique et renforcer la sécurité routière. Un label « prend le train » à l’attention des consommateurs était évoqué dans un des innombrables rapports sur le nécessaire développement du transport des marchandises par le rail. Sûrement une bonne idée à concrétiser, même si il faut le rappeler la consommation avec modération s’impose y compris pour les « boissons ferroviaires » !