Passés Bourg-en-Bresse, puis Oyonnax, aux fenêtres du TGV qui roule vers Genève, surgissent les croupes chahutées des montagnes du Jura. Le calcaire affleure en plissés spectaculaires, les fameux « chapeaux de gendarme » évoquent ici la maréchaussée à l’ancienne. Partout du vert, des résineux des hêtres. Au bas des falaises, on devine des eaux vives accueillantes pour les truites. Ce sont les beaux paysages sauvages du parc naturel régional du Haut-Jura. 18h55 : terminus Bellegarde dans l’Ain. Notre destination : La Pesse à 40 km de là, dans le Jura frontalier, par des routes sinueuses entre les hautes futaies et les combes, typiques dépressions en cuvettes ondulées à perte de vue. Les fermes sont massives avec de petites fenêtres pour résister à l’hiver qui dure six à sept mois. Nous sommes fin mai, il a neigé la semaine passée. Mais à Coinchet sur le Crêt, notre point de chute à 1 160 mètres d’altitude, on se soucie peu du temps. Martine et Gilles ont installé là des hébergements insolites (voir le carnet pratique) destinés aux amoureux de la nature : des cabanes de trappeurs construites à l’orée de la forêt ou dans les houppiers des hêtres. Douillettes, confortables et en bois bien sûr. Il y a aussi des roulottes avec un aménagement pimpant à la tzigane. Ici, pas de vaches, mais des lamas très curieux des nouveaux arrivants. Cet épatant bout du monde au pied du Crêt de Chalam, est un point de départ pour rayonner à pied ou à VTT. Mais comment arriver là sans voiture, direz-vous ? Des minibus sur réservation font l’aller et retour entre la gare de Bellegarde-sur-Valserine, que ce soit les week-ends ou en semaine.
Avec le Topo-guide, Le Jura – Les Sentiers des patrimoines, en poche, (voir le carnet pratique), nous voici prêts pour la randonnée n° 25, « Combes, prairies et pâturages », dédiée au lait. Elle démarre par une leçon de choses à la Maison des fromages de Moussières, 5,4 kilomètres de La Pesse, au cœur des Hautes-Combes. Là sont élaborés le bleu de Gex à pâte persillée, le morbier traversé d’une ligne grise est une fine couche de charbon et le comté à pâte pressée, tous AOC. On suit toutes les étapes de l’emprésurage à l’affinage. La coopérative fruitière regroupe 27 agriculteurs. Gilbert, qui était l’un d’eux, est accompagnateur de visites depuis sa retraite. Il raconte avec émotion ce métier rude dont il a bien du mal à décrocher. La jeune génération prend pourtant le relais.
Dans une vidéo, Stéphane parle de ses 50 laitières montbéliardes, une race rustique bien adaptée au froid. Laurence, une autre agricultrice, travaille l’hiver à l’école de ski, un second emploi évident : « la neige, on l’a sous nos pieds, alors autant en profiter et quand il n’y en a plus, au printemps, il faut remonter les clôtures ». Puis, comme un rituel bien rodé, c’est le départ dans les pâturages où les vaches restent jusqu’à mi-octobre. Stéphane attache à leur cou ces cloches aux sons différents qui permettent de les reconnaître à l’oreille. « L’estivage à deux fonctions, explique-t-il, nourrir les bêtes et maintenir les paysages ouverts pour lutter contre l’embroussaillement ».
« Lorsque la pression agricole diminue, la forêt reprend ses droits », explique Gilles. Avant de partir notre guide du parc naturel régional du Haut-Jura recommande « de ne pas marcher dans l’assiette des vaches », en clair, les prairies de fauche. Nous suivons les balisages jaunes, le long des pelouses étoilées de fleurs de pissenlit et de boutons-d’or avant de monter aux « prés-bois », des pâturages gagnés sur les épicéas dont on a coupé les branches basses. Soudain, à flanc de Combe, apparaît un groupe juvénile de « cani-randonneurs », en classe verte. Chaque enfant est tiré par un chien de traîneau. Fabien dirige la troupe. Musher diplômé d’état, il fut un des premiers à utiliser les chiens d’attelage en été. On arrive en haut de Bellecombe. Chemin faisant, Gilles commente la flore, les premières orchidées, les alchémilles perlées de rosée qui donnent du goût au bleu de Gex. Les murets de pierre calcaire délimitent les prairies, le paysage est ouvert et, au milieu de nulle part, à un petit carrefour, se dresse soudain une mairie-école. Il faut dire que les fermes alentour sont dispersées sur trois ou quatre kilomètres. « Autrefois, on venait à pied ou à ski. Je me suis marié là, sourit Gilles. Depuis, le secrétariat de mairie a été transféré en bas, dans le village ». L’air est pur comme du cristal, l’ambiance pastorale et les sons étonnamment intenses, amplifiés par le calcaire qui multiplie l’écho du battement d’aile d’un rapace ou du tintement des clarines. D’ailleurs, le parc naturel régional à Lajoux (voir le carnet pratique) a répertorié ces « paysages sonores » où l’écoute est exceptionnelle et en a fait le thème de certaines randonnées accompagnées.
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Depuis la gare de Bellegarde-sur-Valserine
Par : Marie Arnoult
Marie Arnoult